Les panzers de la mort
pas une grenade qui nous avait atteints mais un T 34 en nous rentrant dedans à toute vitesse. Pendant une fraction de seconde Il se balança sur ses chaînes, puis son moteur Se remit à vrombir et, comme un monstrueux bélier, Il fonça dans notre flanc gauche en nous soulevant à 45 0
Porta vola au-dessus de Pluto en démolissant la radio dans sa chute, je dégringolai du siège du canon et chutai sur le poste de Porta en me heurtant violemment la tête, que protégeait heureusement le casque d’acier. Petit-Frère, comme rivé au plancher du char, ne bougea pas, mais Alte gisait sans connaissance contre la culasse du canon et son sang coulait à flots d’une énorme déchirure au crâne.
– Chiens ! Bandits de Staline ! hurlait avec rage Petit-Frère, par la trappe à demi ouverte.
Quelques projectiles perdus sifflèrent dans la tourelle, ce qui fit replonger le géant comme un ressort. Il sortit les grenades de l’armoire aux munitions et en fit un tas désordonné ne paraissant nullement gêné de recevoir les lourdes 8,8 sur les pieds. Puis Il colla quelques chiffons tachés d’huile sur la blessure d’Alte et arracha un pan de sa chemise en guise de bande. Enfin, Il poussa Alte dans l’armoire vide pour le mettre en dehors de nos mouvements.
– Je suis le plus costaud de nous quatre, dit-Il, c’est donc moi qui prends le commandement. Toi, continua-t-Il en me désignant, tire tout ce que tu peux ! C’est pour ça qu’on est là, pas vrai ?
Il trébucha sur les jambes d’Alte qui dépassaient de l’armoire, et ce fut un miracle si, au même instant, le recul du canon ne lui écrasa pas la tête.
– Tu veux m’assassiner ! cria-t-Il furieux, pourquoi tirer comme un fou ! Je démissionne, merci, Rien à faire pour ce genre de truc !
Cette scène nous avait mis en joie. Oubliant le péril de mort, nous virevoltions dans l’agglomérat insensé que faisaient les chars, les canons, l’infanterie, sous les rafales lumineuses des projectiles traçants. Deux canons de la flak, mis en batterie à peu de distance, tiraient sans arrêt dans l’obscurité, mais le feu qui sortait des bouches les trahit et ils furent écrasés par les moulins des T 34. C’était une nuit d’Apocalypse, une vision démoniaque de fin du monde, une danse macabre que scandaient les appels au secours des centaines de blessés russes et allemands, déchirés par les éclats dans l’enfer des ténèbres.
Il n’y a pour nous qu’un seul recours : se coller le nez dans la boue et s’aplatir sous les hurlements des projectiles. Notre char est atteint et en une seconde, flambe… Petit-Frère se dresse comme un démon dans le brasier, se rue sur Alte et le précipite par le panneau de flanc avant de bondir lui-même dans une gerbe d’étincelles, pour se rouler par terre sur les petites flammes dansantes de son uniforme taché d’huile.
Épuisés, nous gisons sur le sol, haletant, toussant et graillonnant, respirant douloureusement. Seul, Porta parfaitement calme, converse avec son chat roux en le soulevant par la peau du cou.
– Alors, vieux frère ? On a encore sauvé sa peau, mais notre petit derrière est un peu roussi, cette fois ? Moi aussi, figure-toi, ça me brûle dans le trou du cul comme si on y avait mis de la braise !
Panique… panique surtout ! Grenadiers, pionniers, tireurs de chars, territoriaux, artilleurs, officiers, sous-officiers, galonnés d’or ou d’argent, soldats gris, tout fuit en une masse désordonnée. Des amusements de fins tireurs éclatent tout près, mais nous avons ramassé quelque part des mines T, et nous rampons comme des serpents vers les gros T34.
Je vois Porta bondir sur l’un d’eux et placer sa charge à l’endroit vulnérable… une explosion, puis des flammes qui sortent de la tourelle. Petit-Frère s’aplatit contre un autre, coince tranquillement sa grosse mine T et se laisse tomber du char qui se balance sur un canon antichar détruit. Un bruit de tonnerre : le T 34 est hors de combat et Petit-Frère en devient fou de joie !
– J’ai démoli un blinde ! Moi ! hurle-t-Il en se frappant la poitrine, j’ai démoli un blindé… tout seul !
Qu’il ne soit pas descendu est incompréhensible, mais le géant est évidemment invulnérable. Je retire la sûreté de ma mine T ; elle rate le char qui passe et la violence de l’explosion me projette à plusieurs mètres dans la rue défoncée. Les colosses rugissent, virent, glissent comme
Weitere Kostenlose Bücher