Les panzers de la mort
diable allez-vous faire là ? Ah, j’y suis ! dit-il avec un clin d’œil finaud, vous voulez faire sauter la voie du chemin de fer ? Taisez-vous, monsieur le porte-drapeau ! Apprenez que votre tâche est de porter le drapeau, le vieux drapeau trempé de sang. N’allez pas à Bobrusk et restez ici, près de moi.
IL essaya de siffler le « Horst Wessel » mais sans succès. Alors Il chantonna quelque chose dans le genre de : « Faut-Il donc, faut-Il donc émigrer vers la ville et toi, chérie, rester ici ? ». Il s’arrêta soudain et hennit littéralement : – Porte-drapeau sans drapeau, vous irez en prison, mais seulement quand cette admirable guerre sera finie et que des masses de cavalerie, grisées par la victoire, trotteront sous la porte de Brandebourg, saluées par nos ravissantes femmes et notre peuple pouilleux ! Maintenant, filez vers Bobrusk !
Départ 14 heures 21, voie 37, train numéro 156. Mais gare à vous si vous n’apportez pas le drapeau ! Un régiment sans drapeau est comme une voie sans train. Quand vous arriverez là-bas, voulez-vous avoir l’amabilité de saluer de ma part Sa Majesté l’Impératrice Catherine ? Elle vend du chocolat Staline sur le marché. Mais ne le lui dites pas, elle ne le sait pas elle-même.
Je regarde nerveusement l’élégant officier, à la fois ivre et piqué, mais chose curieuse, un train Bobrusk s’arrête effectivement sur la voie 37.
J’atteignis ma destination sans difficulté et retrouvai le 27 e blindé. Rompu de fatigue, je me jetai sur la paille moisie et m’endormis profondément. Le lendemain matin, comme la compagnie rentrait de son travail de terrassement, Petit-Frère, tout content de me revoir, s’écria :
– Eh ! dis-donc ! as-tu rapporté des culottes de filles ? Rien que de les voir, ça m’excite !
Pendant des heures Il me fallut raconter tout ce qui m’était arrivé. Pas une agrafe, pas une boutonnière ne purent être passées sous Silence. Porta sortit une de ses images les plus croustillantes et demanda :
– Avez-vous essayé ça ?
– Non, sale cochon. J’étais chez une vraie femme. Une Juive, ajoutai-je.
– Une quoi ? crièrent-ils d’une seule voix.
– Comment ? Il en existe encore ?
– Et avec les dessous que tu dis !
J’opinai de la tête et commençai l’histoire d’Hélène. La nuit suivante, je fus réveillé par Porta.
– Tu as bien dit, chuchota-t-il, qu’elle avait une gaine rouge vif et des bas jusqu’en haut des cuisses ?
– Oui… ceinture toute rouge et très longs bas, dis-je à moitié endormi.
Chi entendit alors la vois de Pluto dans le noir.
– Tu es sûr qu’elle n’avait pas du tout de poux et qu’elle ne sentait pas la crasse ?
– Non, ni poux, ni Crasse. Je t’ai déjà dit que c’était une vraie femme.
A quoi tient la vie d’un homme ? A une note sur un bureau.
Un fonctionnaire sclérosé far le règlement laisse l’affaire suivre son cours.
L’homme est pendu, des enfants perdent leur père et la guerre continue.
LE PARTISAN
C’ ÉTAIT le lendemain du jour où des soldats de la feldgendarmerie avaient emmené un paysan russe. Le paysan était saoul. On l’avait enfermé dans un local, extérieur au bureau de la compagnie et Il devait simplement y rester jusqu’au moment où Il aurait cuvé son alcool.
Deux bouteilles de vodka avaient causé la bagarre entre le paysan et un feldwebel de la 2 e compagnie. Le feldwebel, bouclé à la compagnie, fut relâché, lorsqu’il fut dessaoulé. Tout se passait dans les règles, malheureusement, Il y avait eu aussi un rapport – un rapport qui était devenu un épais dossier, non moins réglementaire. L’affaire fut grossie comme le sont toutes les affaires dans le métier militaire, mais également pour une autre raison : c’est qu’à Jitomir Ils aimaient bien les conseils de guerre.
Le commandant de la région, generalmajor Hase était un vieil homme de plus de 70 ans qui avait l’habitude de conserver soigneusement dans une boîte doublée de velours, une mèche de cheveux de chaque supplicié. Ce général collectionnait les exécutions comme d’autres les papillons et le temps eût semblé long aux messieurs de Jitomir s’ils n’avaient pas eu à exécuter les gens. Après la guerre Il n’y aurait plus de mèches de cheveux pour le général et le général lui-même redeviendrait le proviseur bien convenable du lycée de province, où le respect de sa
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