Les pièges du désir

a sûrement au théâtre un costume adéquat, suggéra Nancy. 
    – Oh, oui, certainement. 
    Le regard d’Ariana se fit rêveur. 
    – Je voudrais avoir l’air de sortir tout droit d’une fresque égyptienne ! 
    Jack les écoutait parler et le tableau commençait à prendre forme dans son esprit. Ariana à demi étendue sur un sofa oriental, drapée dans de fines étoffes, le cou et les poignets ornés de bijoux. Et à l’arrière-plan, les pyramides. 
    – Il y a des gravures de frises et de sculptures égyptiennes à l’Académie Royale, intervint Michael. Si vous voulez, nous pouvons aller les voir aujourd’hui même. 
    – Vous pouvez arranger cela ? s’enquit Ariana. 
    Nancy bondit sur ses pieds. 
    – Bien sûr qu’il peut ! Allons-y tout de suite. Qu’en dis-tu, Jack ? 
    L’idée d’utiliser de vraies représentations historiques pour étayer son travail ne déplaisait pas à Jack. 
    – Laissez-moi le temps de prendre mon carnet et un crayon. 
    Aussitôt dit, aussitôt fait ! Quelques instants plus tard, ils descendaient tous le Strand en direction de Somerset House. Le vent qui soufflait de la Tamise jouait avec les jupes des deux jeunes femmes et menaçait d’emporter le chapeau de Jack. Michael et Nancy marchaient à quelques mètres en avant, leurs têtes rapprochées dans le feu de la conversation. Quelques bribes de leur dialogue parvinrent jusqu’à Jack : 
    – Je suis étonnée, ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais… 
    Nancy devait faire allusion à sa rencontre avec Ariana. Il aurait dû se douter que Tranville viendrait avec elle. Ce portrait ne devait être pour lui qu’un pion dans sa stratégie de conquête. Lui avait-il déjà offert d’autres cadeaux ? 
    Quant aux façons d’Ariana envers Tranville, elles restaient pour lui une énigme. La jeune actrice semblait l’ignorer, sauf quand elle avait coupé court à l’exposé de ses projets matrimoniaux pour Nancy. Jack serra les poings à ce souvenir. L’odieux personnage ! Comment avait-il osé ? 
    – Ces deux-là semblent s’entendre merveilleusement, observa Ariana, qui marchait à son bras. Tranville est stupide. Comme s’il y avait besoin d’écumer Londres pour trouver un soupirant à Nancy ! 
    – Que voulez-vous dire ? 
    Elle pointa le menton vers les deux jeunes gens. 
    – Ils s’aiment, voyons ! 
    La remarque laissa Jack stupéfait. 
    – Ils s’apprécient, voilà tout. Michael est notre seul ami à Londres. 
    Elle lui coula un regard désappointé. 
    – Tranville n’est-il pas votre ami ? C’est pourtant ce qu’il affirme. 
    Jack se raidit. 
    – Un ami ? Certainement pas ! 
    – Y a-t–il un contentieux entre lui et vous ? Mais je doute que vous acceptiez de me répondre… 
    – Cela ne concerne que moi, en effet, grommela-t–il entre ses dents. 
    L’atmosphère qui s’était un peu allégée entre eux se fit de nouveau pesante. Jack ne parvenait pas à chasser de ses pensées la vision de Tranville attablé chez sa mère pour le petit déjeuner. Ce n’était pas la première fois qu’il se servait ainsi de Mary Vernon. Mais cette fois, elle ne pouvait plus se faire la moindre illusion. Alors pourquoi acceptait-elle ? 
    Il continua à marcher, obstinément muet. Ce fut Ariana qui rompit enfin le silence. 
    – Chaque fois que Tranville apparaît, que ce soit en chair et en os ou dans la conversation, vous devenez sombre et maussade. En êtes-vous conscient ? 
    Il tourna la tête vers elle. 
    – Pardonnez-moi, fit-il d’un ton sarcastique. J’essaierai d’être plus enjoué. 
    Elle lui assena une tape sur le bras. 
    – Arrêtez ! Je n’aime pas ce ton. 
    Ils firent quelques pas de plus avant qu’elle n’ajoute : 
    – Je vous aime bien, Jack, et je veux être votre amie. Si nous nous entendons bien, le temps que nous passerons ensemble en sera d’autant plus agréable. 
    – J’exécute une commande, voilà tout. Il n’y a rien d’autre entre nous. 
    – Pour moi, c’est bien plus que cela. Il s’agit de mon avenir, et aussi du vôtre. Ce portrait peut m’apporter la notoriété à laquelle j’aspire. Et grâce à lui, vous obtiendrez peut-être de nombreuses commandes. 
    – C’est une simple transaction, Ariana. Cela n’a rien de personnel. 
    Elle écarquilla les yeux, puis un sourire voleta sur ses lèvres. Il s’aperçut alors qu’il l’avait appelée par son prénom. Une