Les pièges du désir

de reprendre le chemin de son atelier. 
    ***
    Pour la dixième fois, Ariana jeta un œil par la fenêtre, guettant Jack et sa sœur. Cette fois, elle eut plus de chance et les vit s’arrêter devant la porte de la pension. Elle courut dans le couloir et appela la servante. 
    – Betsy ! Mes invités arrivent. Dites-leur que je serai prête dans une minute. Ils peuvent m’attendre dans le hall. 
    – Oui, mademoiselle, répondit Betsy depuis le rez-de-chaussée. 
    Ariana se hâta de regagner sa chambre, où elle se drapa dans une cape de soie d’un vert profond, qui sortait juste de l’atelier de la couturière. Un chapeau assorti et des gants de cuir complétèrent sa tenue. Elle jeta un rapide regard dans le miroir, dans l’espoir que Jack apprécierait sa toilette. 
    Elle ne vit que lui en descendant l’escalier. Ses sens s’embrasèrent au souvenir de ses mains sur sa peau, de son corps prenant possession du sien. Ce fut seulement en bas qu’elle aperçut Nancy, debout à côté de son frère. 
    – Me voilà, je suis prête ! 
    Elle sourit à la jeune fille. 
    – C’est une joie de vous revoir, miss Vernon. 
    Nancy la salua d’une révérence. 
    – Pour moi aussi, mademoiselle. 
    – Votre Michael n’est donc pas avec vous ? 
    – Oh, non, il est à l’Académie. Il ne pouvait pas manquer ses cours, voyez-vous. 
    – Quel dommage ! s’écria Ariana avec un sincère regret. 
    Elle aurait aimé que Michael et Nancy soient eux aussi réunis pour cette petite excursion. 
    – Merci d’avoir suggéré cette sortie, monsieur Vernon, ajouta-t–elle en se tournant vers Jack. 
    Nancy parut perplexe. 
    – Mais… mon frère m’avait assuré que c’était votre idée ! 
    Ariana lui adressa un clin d’œil malicieux. 
    – En réalité, oui ! 
    Jack leur ouvrit la porte et sortit derrière elles. 
    – Si cela ne vous ennuie pas de marcher… Piccadilly est à moins d’un mile d’ici. 
    Les deux jeunes femmes agréèrent et Ariana prit le bras de Jack. Nancy lui semblait moins animée que lors de leur première rencontre, sans doute parce que Michael était absent. Ariana lui enviait cet amour si jeune et si frais. Etre courtisée par un jeune homme respectable qui lui assurerait une existence sans imprévus n’avait pas que des désavantages. 
    Pour sa part, elle avait fait d’autres choix, et devait se contenter de ce que la vie lui offrait. L’excitation fébrile des représentations, la liberté d’agir à sa guise… Personne ne demandait à une actrice d’être chaste. Elle pouvait choisir de partager son lit avec Jack, si elle le désirait. Et Dieu savait qu’elle brûlait déjà de recommencer ! 
    ***
    Nancy retrouva un peu de sa vivacité lorsqu’ils arrivèrent devant l’Egyptian Hall. 
    – C’est imposant, vous ne trouvez pas ? Cela ressemble aux gravures que nous avons vues à l’Académie. 
    La façade de l’immeuble imitait l’entrée d’un temple égyptien. Deux énormes statues d’Isis et Osiris avaient été placées au-dessus de l’entrée, elle-même flanquée de deux colonnes aussi hautes que le rez-de-chaussée. Des symboles égyptiens, qui donnaient l’illusion d’être gravés dans la pierre, embellissaient les cadres des fenêtres. 
    – C’est grandiose, admit Jack. 
    Il acheta trois billets et tous trois se retrouvèrent bientôt à l’intérieur du bâtiment, dans une immense salle où avait été réuni tout un assortiment d’animaux empaillés, depuis les bêtes sauvages exposées au centre jusqu’aux oiseaux et petits mammifères placés dans des casiers le long des murs. 
    Ariana regarda autour d’elle avec une moue de répulsion. 
    – Je les aurais préférés vivants ! 
    Jack l’approuva du regard, ce qui la fit rosir de plaisir. 
    – Oh, mon Dieu ! s’exclama Nancy, qui s’était tout de suite précipitée vers l’éléphant. 
    Elle dut retenir son chapeau d’une main, tandis qu’elle levait la tête vers le colosse. 
    – Je ne m’imaginais pas que c’était aussi gigantesque ! 
    Elle fit le tour du stand central, les yeux écarquillés devant l’hippopotame, le chameau et le zèbre. Ariana resta en arrière avec Jack et passa le bras sous le sien. 
    – Elle semble plus enjouée à présent ! 
    Jack parut surpris de la remarque. 
    – Votre sœur et vous n’êtes pas très bavards aujourd’hui. 
    Il posa la main sur la sienne. 
    – C’est normal, Ariana. Il y