Les pièges du désir

a des choses que je ne peux pas dire devant Nancy. 
    Elle sentit une onde de chaleur irradier en elle à son contact. 
    – Je comprends. Mais Nancy, qu’est-ce qui la trouble, à votre avis ? 
    – J’avoue que je n’en sais rien. 
    – Je vais tâcher de le découvrir. 
    Il tourna les yeux vers une étagère garnie d’oiseaux. 
    – Je vous laisse faire en ce cas. Pendant ce temps, je vais m’absorber dans la contemplation de ces volatiles colorés. 
    Elle dut lutter contre une irrépressible envie de l’embrasser et lut dans ses yeux le reflet de son propre désir. 
    – Hem… Je ferais mieux d’examiner ces oiseaux, marmonna-t–il. 
    Eperdue de désir, Ariana reprit tant bien que mal sa respiration. 
    – Oui, vous avez raison. Je vais tenir compagnie à votre sœur. 
    Elle rejoignit Nancy, dont l’enthousiasme pour les grands animaux commençait à faiblir. Le regard vague, la jeune fille fixait le zèbre sans vraiment le voir. 
    – Il a quelque chose du cheval, n’est-ce pas ? 
    Nancy tressaillit et lui lança un bref regard. 
    – Euh… oui, je suppose. 
    – Vous ne semblez pas dans votre assiette aujourd’hui, miss Vernon. Qu’est-ce qui ne va pas ? 
    – Mais rien, repartit Nancy dans un soupir. 
    – Hum… Je ne suis pas convaincue. Regardez-moi, voulez-vous ? 
    Incapable de soutenir son regard, Nancy fit mine d’examiner l’hippopotame. 
    – Eh bien… Pour tout vous dire, lord Tranville s’est mis en tête de me trouver un mari. 
    Encore Tranville ! 
    – Je vois, fit Ariana d’un ton brusque. 
    – Il doit penser que c’est une façon de nous aider, ajouta Nancy, tandis qu’elles passaient aux reptiles. Mais je ne crois pas avoir déjà envie de me marier. 
    – Lui avez-vous parlé de votre Michael ? 
    Nancy s’empourpra. 
    – Pourquoi l’appelez-vous toujours mon Michael ? Nous ne sommes que des amis, vous savez. 
    Elle soupira derechef. 
    – Et puis il a encore une année d’études devant lui avant de trouver du travail. D’ailleurs, je ne suis pas sûre qu’il veuille de moi. 
    – Ne pas vouloir de vous ? 
    Ariana ne nourrissait pas le moindre doute à ce sujet. Michael était fou de Nancy ! 
    – A cause de ma famille, vous comprenez… 
    Ariana ne saisit pas tout d’abord. Où était le problème, au nom du ciel ? Puis il lui vint à l’esprit qu’en dehors du monde du théâtre, avoir une liaison avec un gentleman transformait une femme respectable en une véritable paria. Pour Tranville, c’était différent, pour la seule raison qu’il était un homme. Selon les critères de son milieu, cette relation ne faisait qu’augmenter son prestige. 
    A cet instant, deux jeunes gens vêtus en dandies leur jetèrent des regards impertinents, comme s’ils rassemblaient leur courage avant de les aborder. Ariana pointa discrètement le menton dans leur direction pour alerter Nancy. La jeune fille ne semblait pas s’être aperçue qu’elle avait attiré l’attention des deux gandins. 
    – Nous ferions mieux de rejoindre votre frère, suggéra Ariana. 
    Jack les accueillit avec un sourire et ils quittèrent la salle ensemble, à la recherche des antiquités. 
    – Eh bien ? demanda-t–il tout bas, Nancy vous a-t–elle confié ce qui la troublait ? 
    – Apparemment, lord Tranville songe encore à lui trouver un époux. 
    – De quoi se mêle-t–il ? grogna Jack entre ses dents. 
    Il semblait disposé à s’attarder devant des curiosités des mers du Sud, insectes, coquillages et coraux. Ariana prit Nancy par le bras. 
    – Continuons, voulez-vous ? Jack, nous serons dans la salle voisine. 
    Cette pièce-là abritait une immense statue représentant un Indien en grand attirail de bataille. Deux messieurs étaient occupés à l’examiner, et Ariana reconnut tout de suite le plus jeune – Edwin Tranville. L’autre faisait partie du comité du théâtre avec Tranville. 
    Elle jeta un regard d’avertissement à Nancy, qui fronça les sourcils et se dirigea vers la porte. Mais le plus âgé de ces messieurs les avait déjà aperçues. Il agita la main et s’avança vers elles. 
    – Miss Blane ! 
    Elle se rappelait son nom à présent – un certain lord Ullman. Un homme d’une quarantaine d’années, de taille moyenne, les cheveux clairsemés et le ventre proéminent. 
    – Ravi de vous voir, mademoiselle. 
    Il haussa les sourcils à la vue de Nancy. 
    – Puis-je vous