Les pièges du désir
l’avantage de sa sœur.
Il le replia et le posa sur la table.
– Tout paraît en ordre.
Tranville lui jeta un regard suffisant, en homme qui s’attribuait tout le mérite de l’opération.
– Aura-t–elle toute la sécurité voulue ? s’enquit Mary.
Jack fut obligé de répondre par l’affirmative. Ce qu’Ullman donnait à Nancy était bien plus que ce qu’il pourrait jamais lui donner lui-même.
– Puis-je le signer en ce cas ?
– Attendez encore. Nancy ne sera peut-être pas d’accord.
Un long silence suivit cet échange. Tranville fredonnait entre ses dents, sur un ton si faux qu’il donnait à Jack envie de hurler.
Enfin, un Wilson à l’air lugubre apparut sur le seuil.
– Miss Nancy vous prie de revenir.
Tranville s’empara des documents et tous revinrent dans le salon.
Nancy se tourna vers eux à leur entrée, les yeux brillant de larmes.
– Maman, fit-elle d’une petite voix, vous pouvez me présenter vos vœux de bonheur…
Chapitre 15
Tranville tâta la poche de son manteau, où il sentit les contours de l’écrin de velours. Un sourire éclaira ses traits. A l’origine, il avait prévu cela pour plus tard, mais sa rencontre avec Ariana cet après-midi-là l’avait convaincu qu’il était inutile de retarder le moment.
En fait, il n’avait déjà que trop attendu. Jouer la froideur avec elle n’avait pas eu les résultats escomptés. Contrairement aux prévisions de Daphné Blane, Ariana s’était fort bien passée de ses attentions !
Il avait projeté d’attendre que le portrait soit achevé, puis de le lui offrir solennellement. Mais Jack lambinait. Pas question de patienter quinze jours de plus. C’était maintenant ou jamais.
Tranville traversa le foyer du théâtre. Il était encore tôt pour la représentation du soir et il n’y avait que quelques spectateurs dans la salle. C’était là qu’il devait retrouver Ullman.
Une bonne pâte, cet Ullman, toujours bien luné et aussi inoffensif qu’un bébé. Grâce à lui, il avait pu relancer sa campagne. Il s’en serait frotté les mains de satisfaction !
Il se dirigea droit vers sa loge, ne voulant pas se montrer dans les coulisses. Il verrait Ariana plus tard dans la Green Room. Tout ce qu’il lui fallait, c’était un entretien privé avec elle.
Il jeta un regard autour de lui. Les dorures, les rideaux de brocart rouge, les innombrables rangées de balcons… Il gonfla la poitrine et, l’espace d’un instant, laissa libre cours à son imagination – la salle bondée, avec ses trois mille spectateurs applaudissant Ariana dans le rôle de Cléopâtre, lui-même congratulé dans la Green Room après la représentation, et Kean le remerciant de lui avoir permis de jouer avec la jeune vedette que tout Londres encensait…
Tout le monde saurait qu’Ariana lui appartenait !
L’entrée d’Ullman le tira de sa rêverie. Le comte arborait une mine préoccupée.
– Bonsoir, Tranville.
Tranville cilla, inquiet.
– Que vous arrive-t–il ? Je pensais que vous seriez aux anges ce soir. Ne me dites pas que quelque chose s’est mis en travers !
Ullman secoua la tête.
– Non, il ne s’agit pas de cela. Mais je viens de rencontrer lord Darnley. Il semblerait que la loi sur les céréales provoque bien des remous dans la population. Il redoute des émeutes.
Tranville balaya cette crainte d’un geste.
– Sottises ! Il est trop alarmiste. Le peuple n’osera jamais se soulever.
Ullman ne semblait pas convaincu.
– Je me demandais si je ne devrais pas envoyer miss Vernon… euh… ma chère Nancy à la campagne, dans mon domaine. Elle pourrait faire ainsi la connaissance des enfants.
Tranville estimait que c’était faire une montagne d’une taupinière. Cependant l’idée d’être débarrassé de Mary ne lui déplaisait pas. Elle finissait par lui gâcher son allégresse avec son amour-propre déplacé.
Pourquoi ne voulait-elle pas comprendre que sa vie à lui avait changé du tout au tout ? Un homme vigoureux comme lui avait besoin d’une jeune femme pour engendrer d’autres enfants. Sa défunte épouse l’avait banni de son lit à une époque où elle était encore capable de lui donner des fils. Elle s’était montrée si peu raisonnable qu’elle avait été pour lui une constante déception.
Mary, elle, comprenait parfaitement ses besoins virils et ne se plaignait jamais qu’il ait
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