Les Piliers de la Terre
pont de bois derrière lui. Les défenseurs n’avaient aucune chance. Tom
comprit que c’était une attaque habilement préparée et parfaitement exécutée.
Mais il s’inquiétait surtout du sort d’Ellen et des enfants. Une centaine
d’hommes armés assoiffés de sang allaient fondre sur eux. Il traversa en
courant l’esplanade supérieure jusqu’au donjon.
A
mi-chemin de l’escalier qui menait à la grande salle, il jeta un coup d’œil en
arrière. Les défenseurs du second poste de garde furent débordés presque
aussitôt par l’attaque des cavaliers. Le comte Bartholomew était sur les
marches derrière Tom. Ils eurent tout juste le temps de s’engouffrer dans le
donjon et de lever l’escalier inférieur. Tom bondit dans la salle – et il
découvrit que les attaquants avaient été encore plus habiles qu’il ne pensait.
L’avant-garde
ennemie, qui avait démonté les portes, coupé la corde du pont-levis et mis le
feu aux écuries n’avait plus qu’une tâche à remplir : se porter vers le
donjon et dresser une embuscade à tous ceux qui s’y étaient réfugiés.
Ils
étaient là maintenant dans la grande salle, quatre hommes ricanant vêtus de
cottes de mailles. Tout autour d’eux, gisaient les corps ensanglantés des
chevaliers du comte morts et blessés, massacrés au moment où ils entraient. Le
chef de cette avant-garde, constata Tom avec un choc, était William Hamleigh.
Tom le
dévisagea, abasourdi. Tom crut qu’il allait le tuer, mais avant même qu’il
n’ait eu le temps d’avoir peur, un des hommes de main de William saisit Tom par
le bras, le tira à l’intérieur et l’écarta du chemin.
Ainsi
donc, c’étaient les Hamleigh qui attaquaient le château du comte Bartholomew.
Mais pourquoi ?
Les
serviteurs et les enfants s’étaient regroupés, terrifiés, tout au fond de la
salle. On ne tuait donc que les hommes armés. Tom scruta les visages massés
là-bas et, à son immense soulagement, il aperçut Alfred, Martha, Ellen et Jack,
tous en groupe, affolés mais bien vivants et apparemment indemnes.
Il n’eut
même pas le temps d’aller jusqu’à eux qu’un combat s’engagea sur le seuil. Le
comte Bartholomew et deux chevaliers tombèrent dans l’embuscade tendue par les
hommes de Hamleigh. Un des soldats du comte fut aussitôt abattu, l’autre
protégea son seigneur de son épée levée. Quelques chevaliers de Bartholomew
arrivèrent derrière le comte et soudain ce fut une terrible bataille au corps à
corps, à coups de poing et à coups de couteau, car on n’avait pas la place de
dégainer une longue épée. Un moment, il sembla que les hommes du comte allaient
l’emporter sur ceux de William, puis certains se retournèrent et commencèrent à
se défendre sur leurs arrières. De toute évidence, les attaquants avaient
pénétré dans l’enceinte supérieure, ils gravissaient les marches et attaquaient
le donjon.
Une voix
puissante lança : « Arrêtez ! »
Dans
chaque camp les hommes se mirent sur la défensive et le combat s’arrêta.
La même
voix cria : « Bartholomew de Shiring, veux-tu te rendre ? »
Le comte
se retourna vers la porte. Ses chevaliers s’écartèrent.
« Hamleigh »,
murmura Bartholomew d’une voix incrédule. Puis, haussant le ton, il dit :
« Laisseras-tu indemnes ma famille et mes serviteurs ?
— Oui.
— Veux-tu
le jurer ?
— Je
le jure par la Croix, si tu te rends.
— Je
me rends », déclara le comte Bartholomew. De grandes acclamations
jaillirent dehors.
Tom se
détourna. Martha traversa la salle en courant pour venir vers lui. Il la prit
dans ses bras, puis il étreignit Ellen.
« Nous
sommes sains et saufs, dit Ellen, les larmes aux yeux. Nous tous… Nous sommes
tous saufs…
— Saufs,
dit Tom avec amertume, mais une fois de plus sans ressources. »
William
cessa ses vivats. Il ne convenait pas au fils de lord Percy de pousser des cris
et des vivats comme les hommes d’armes. Il arbora donc une expression de
seigneuriale satisfaction.
Ils
étaient victorieux. Malgré ses difficultés, il avait mis à exécution le plan,
et l’attaque avait réussi essentiellement à cause de son travail de
reconnaissance. Il avait perdu le compte des hommes qu’il avait tués et
mutilés, mais lui-même était indemne. Une pensée le frappa : il y avait beaucoup
de sang sur son visage pour quelqu’un qui n’était pas blessé. Ce devait être
son propre sang. Il porta la main à son
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