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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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tombée du jour et entra dans le cabaret avec un sourire
étrangement triomphant sur son visage bovin. Il ne dit pas où il était allé et
Jack ne le lui demanda pas. Il le laissa boire avec les autres et partit souper
avec Aliena et les enfants.
    Le
lendemain matin, il commença la réunion avant l’arrivée du prieur Philip à la
loge, car il voulait préparer le terrain. Tous les artisans étaient à l’heure.
Quelques jeunes avaient l’œil rouge : Jack devina que la taverne était
restée ouverte tard dans la nuit et que certains y avaient un moment oublié
leur pauvreté. Sans doute les jeunes et les travailleurs temporaires
allaient-ils se révéler les adversaires les plus coriaces. Les vieux artisans
voyaient plus loin. Les quelques femmes employées sur le chantier se montraient
toujours prudentes et prêtes à étudier toute possibilité d’arrangement.
    « Le
prieur Philip va nous proposer un compromis, commença Jack. Avant son arrivée,
nous devrions discuter de ce que nous sommes prêts à accepter, ce que nous
refuserons catégoriquement et les points sur lesquels nous sommes disposés à
négocier. Philip doit comprendre que nous sommes unis. J’espère que vous êtes
tous d’accord ? »
    Il y eut
quelques hochements de tête approbateurs.
    « A
mon avis, reprit Jack d’un ton tranchant, nous devons refuser absolument tout
licenciement immédiat. » Il frappa du poing sur l’établi de manière à bien
souligner sa détermination. Plusieurs voix s’élevèrent pour approuver
bruyamment. Jack savait que c’était une demande que Philip ne formulerait
certainement pas. Mais il excitait ainsi les têtes chaudes qui défendraient
d’autant plus vigoureusement les anciennes coutumes. Puis, quand Philip
céderait, leur victoire les calmerait.
    « Nous
devons aussi conserver à la loge la prérogative des promotions, car seuls les
artisans peuvent juger des qualifications d’un des leurs. » Là encore, il
concentrait leur attention sur le principe de la question dans l’espoir que,
l’ayant emporté sur ce point, ils passeraient plus facilement sur les
concessions financières.
    « Quant
à travailler les jours de fête des saints, j’hésite. Les congés sont en général
sujets à négociation : il n’y a pas de coutume bien établie. » Il se
tourna vers Edward Deux Nez. « Quelle est ton opinion sur ce point,
Edward ?
    — La
pratique varie d’un chantier à l’autre », répondit Edward, fier d’être
consulté. Jack acquiesça, l’encourageant à continuer. Edward évoqua les divers
usages en vigueur. La réunion se déroulait exactement comme Jack le souhaitait.
Une discussion prolongée sur un point secondaire épuiserait les énergies avant
la confrontation réelle.
    Le
monologue d’Edward fut brusquement interrompu par une voix qui lança du fond de
la pièce : « Tous ces bavardages sont sans intérêt. »
    Jack
reconnut Dan Bristol, un saisonnier. « Un à la fois, s’il vous plaît,
fit-il. Laissons finir Edward. »
    On ne se
débarrassait pas si facilement de Dan. « Peu importe ces détails de fêtes
de saints, insista-t-il. Ce que nous voulons, c’est une augmentation.
    — Une
augmentation ? » répéta Jack qui n’avait pas prévu du tout cette
revendication.
    Dan avait
des partisans. « Parfaitement, une augmentation, renchérit Pierre.
Regarde… une miche de quatre livres coûte un penny. Une poule qui autrefois
coûtait huit pence en vaut maintenant vingt-quatre ! Je parie qu’aucun de
nous n’a bu de vraie bière depuis des semaines. Tout augmente, mais la plupart
d’entre nous continuent à toucher le même salaire qu’au jour de notre engagement,
soit douze pence par semaine. Et nous devons nourrir nos familles avec
ça ! »
    Jack
rassemblait ses esprits. Alors que tout se déroulait comme il l’espérait, voilà
que cette interruption ruinait sa stratégie. Il se garda toutefois de heurter
de front Dan et Pierre, car c’était le meilleur moyen de les braquer. Il opta
pour l’ouverture. « Je suis d’accord avec vous », dit-il.
Manifestement, les hommes ne s’attendaient pas à cette réaction. « La
question est de savoir quelle chance nous avons d’obtenir un supplément de
salaire à une époque où le prieuré est à court d’argent. »
    Personne
ne répondit, sauf Daniel : « Il nous faut vingt-quatre pence par
semaine pour survivre et même alors nous serons en déficit sur notre premier
salaire.
    Jack

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