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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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viennent plus tard, lors des « offensives » de 1915. Ils sont alors protégés par des lignes continues de tranchées, dont ils ne sortent que pour mourir dans une série d’attaques provoquant, pour cette seule année, 320 000 décès dans leurs rangs. Les quatre grandes offensives de 1915 durent en tout cent jours et accumulent les cadavres. Mais pendant les deux tiers du temps, les poilus doivent s’organiser pour survivre sur les lignes du feu. Ils livrent alors leur bataille quotidienne contre le froid, les maladies, l’humidité mortelle, le gel qui gagne les pieds et les jambes, la pollution de l’eau qui provoque des épidémies de dysenterie, surtout en Orient où les soldats français sont abandonnés sans moyens médicaux suffisants pour lutter contre les effets du climat et les endémies.
    Pendant les cent jours tragiques de 1915 et en 1916, l’année de Verdun et de la Somme, les tranchées n’existent plus, elles sont submergées par les tirs d’artillerie de plus en plus puissants, qui réduisent en bouillie l’hiver, en croûte l’été, les paysages du front. Il n’y a pas alors de repos pour le poilu, qui n’a pas le temps de creuser, du côté français, des abris protecteurs, et dont les lignes sont des boyaux hâtivement aménagés entre des trous d’obus. L’armée s’enterre à la diable, sous le feu du canon, et survit comme elle peut : 270 000 morts français en 1916. Quand les dernières offensives alliées sont lancées en 1917, on enterre encore 145 000 hommes lors de l’affaire désastreuse du Chemin des Dames.
    La révolte des poilus change alors sensiblement leur condition. Les mutins ne sont pas des déserteurs, mais des grévistes de la guerre. Ils exigent l’arrêt immédiat des offensives mutiles. Ils n’acceptent de se battre que si l’état-major prend toutes les dispositions nécessaires au succès des actions ponctuelles qu’il entreprend encore sur le front. Ils ont gagné le droit de survivre en êtres humains, d’obtenir des permissions régulières, un roulement dans l’occupation des secteurs. Ils s’installent pour une guerre longue, une « guerre d’usure », en ménageant leurs forces.
    Les Allemands, depuis Falkenhayn, ont multiplié sur leur ligne de front les ouvrages défensifs, bétonnés, à l’épreuve du feu, pour économiser le plus possible leurs combattants, alors qu’ils livrent une guerre dure à l’est. Les soldats en Feldgrau ne sont sortis de leurs abris que pour livrer en 1916, sous une protection d’artillerie jamais encore réalisée, la bataille d’extermination de Verdun. Après leur échec manifeste, ils se sont enterrés dans la ligne Hindenburg, dont l’expérience des dernières offensives alliées devait montrer qu’elle était imprenable.
    Mais ils sont encore sortis de leurs casemates et de leurs Stollen en mars 1918 pour reprendre la guerre de mouvement, perçant les lignes alliées à leur guise, en raison du renfort de troupes et d’artillerie venus de l’Est, après la paix de Brest-Litovsk, conclue avec les bolchevistes. Jusqu’au 11 novembre 1918, les poilus français sont de nouveau des errants sans tranchées. Ils retraitent, contre-attaquent, s’enterrent dans des trous, tentent d’organiser des positions toujours remises en question par les assauts ennemis. Ils perdent deux cent cinquante mille des leurs tués dans la guerre de mouvement de 1918.
    Les périodes de veille dans les tranchées sont, certes, dans l’espace et dans le temps, les plus longues de la guerre. Pendant des mois, des deux côtés du front, les hommes sont embusqués. Ils attendent, organisent les positions, déjouent les ruses ennemies, les sapes et les contre-sapes, se battent pour s’emparer des pitons où l’adversaire a installé des observateurs d’artillerie. Les rares survivants de la première mobilisation de 1914 ont passé dans les tranchées le plus clair de leur temps de guerre. Beaucoup de secteurs du front restaient calmes, quand les offensives faisaient mourir, par ailleurs, les hommes par dizaines de milliers.
    Mais l’importance des pertes était telle dans les périodes de grandes offensives (deux à trois divisions par jour devaient monter en ligne à Verdun au plus fort des attaques allemandes) que les poilus n’étaient jamais longtemps des guetteurs immobiles. Ils étaient appelés en renfort, souvent en catastrophe, sur les points brûlants des coups de chien.
    Ils ne livraient pas le

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