Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
Auguste, au début du siècle précédent,
était venu confirmer solennellement la donation de ce château fort aux évêques
de Troyes. Un événement tous les cent ans [12] .
    Vers la tierce heure de la matinée,
le roi, entouré de ses deux frères, de ses deux oncles, de ses cousins Philippe
de Valois et Robert d’Artois, traversa le village au galop, sans répondre aux
acclamations et en ravageant les jonchées de fleurs qu’il fallut replacer après
son passage.
    Il fit encore une demi-lieue, et
soudain il aperçut, venant en sens inverse, le cortège de Clémence de Hongrie.
    Ce cortège, conduit par l’évêque de
Troyes, Jean d’Auxois, cheminait lentement, d’un train de procession.
    — Le roi, Madame, voici le
roi ! dit Bouville qui chevauchait auprès de la litière de la princesse.
    Clémence, se penchant pour regarder,
lui demanda lequel, d’entre ces cavaliers qui avançaient de front, était son
futur mari. Bouville s’expliqua mal, ou bien elle entendit mal la réponse, et
elle prit pour son fiancé le comte de Poitiers, parce qu’il se tenait en selle
avec une naturelle noblesse et il lui parut, dans sa haute minceur, le plus
séduisant. Or ce fut le cavalier de moins bonne tournure qui mit pied à terre
le premier et s’approcha de la litière. Bouville, déjà descendu de sa propre
monture, lui saisit la main pour y poser ses lèvres, et, ployant le genou,
dit :
    — Sire, voici Madame de
Hongrie.
    Alors la belle princesse angevine
vit le jeune homme aux gros yeux pâles et au teint brouillé, dont les décrets
du sort et les intrigues des cours l’envoyaient partager le destin, le lit et
le pouvoir.
    Louis X de son côté la
contemplait sans rien dire, l’air stupéfait, au point que dans le premier
moment Clémence crut qu’elle ne lui plaisait pas.
    Ce fut elle qui se décida à rompre
le silence.
    — Sire Louis, dit-elle, je suis
à jamais votre servante.
    Cette parole parut délier la langue
du Hutin.
    — Je craignais, ma cousine, que
le portrait en peinture qu’on m’avait envoyé de vous ne fût trompeur et
flatté ; mais je vous vois plus de grâce et de beauté que l’image n’en
montrait.
    Et il se retourna vers sa suite,
comme pour faire apprécier sa chance.
    Puis on procéda aux présentations
des membres de la famille. Un seigneur de forte corpulence, habillé d’or comme
s’il fût allé en tournoi, embrassa Clémence en l’appelant « ma
nièce », et l’assura qu’il l’avait vue enfant à Naples ; Clémence
comprit que c’était là Charles de Valois, le principal artisan de son mariage.
Puis elle sut que l’élégant cavalier, qui s’inclinait en lui disant « ma
sœur », était l’aîné de ses nouveaux beaux-frères.
    Soudain, les mules qui portaient la
litière firent un écart ; une colossale masse humaine, vêtue de rouge, et
dont Clémence ne parvint pas à apercevoir la tête, masqua un instant la
lumière ; la princesse entendit prononcer :
    — Votre cousin, messire Robert
d’Artois.
    On se remit très vite en marche, et
le roi pria l’évêque de prendre les devants, afin que tout fût prêt en
l’église.
    Clémence s’attendait à ce que la
rencontre se déroulât différemment. Elle avait imaginé qu’il y aurait des
tentes dressées en un lieu décidé à l’avance, que les hérauts d’armes
sonneraient de la trompette de part et d’autre, et qu’il lui serait offert un
léger repas, pendant lequel elle commencerait de faire connaissance avec son
fiancé. Elle pensait aussi que le mariage ne se célébrerait qu’après quelques
jours et serait le prélude à deux semaines de fêtes, avec joutes, jongleurs et ménestrels,
selon l’usage des noces princières.
    La brusquerie de cet accueil en
forêt, sur une petite route, et l’absence d’apparat la surprirent un peu. On
eût cru avoir simplement croisé, par hasard, une partie de chasse. Elle fut
encore plus déroutée en apprenant qu’elle allait être mariée, sur l’heure, dans
un château voisin où l’on passerait la nuit, pour repartir le lendemain vers
Reims.
    — Mon doux Sire, demanda-t-elle
au roi qui maintenant chevauchait à côté d’elle, retournerez-vous à la
guerre ?
    — Certes, Madame, je vais y
retourner… l’an prochain. Si je n’ai point poursuivi plus loin les Flamands
cette année, et les ai laissés sur leur peur, c’est que je ne voulais différer
de vous accueillir et de conclure nos accordailles.
    Le compliment était

Weitere Kostenlose Bücher