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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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si gros que
Clémence en demeura perplexe. Elle allait de surprise en surprise Ce roi, si
impatient de la rejoindre qu’il licenciait son armée, lui offrait une noce de
village.
    En dépit des jonchées de fleurs et
de l’enthousiasme des paysans, le château de Saint-Lyé, petite forteresse aux
murs épais encrassés par trois siècles d’humidité, parut sinistre à la
princesse napolitaine. Celle-ci eut à peine une heure pour changer de vêtements
et se recueillir avant la cérémonie, si l’on peut appeler recueillement une station
dans une chambre où les tapissiers n’avaient pas achevé d’accrocher les
tentures brodées et où Monseigneur de Valois vint aussitôt bourdonner comme un
gros frelon doré, prétendant instruire sa nièce, en si peu d’instants, de tout
ce qu’elle avait à savoir sur la cour de France et particulièrement de la place
essentielle que lui, Charles de Valois, y occupait.
    Ainsi Clémence devait apprendre que
Louis X, s’il possédait toutes les qualités souhaitables chez un époux,
n’avait pas que des vertus, surtout en politique. Il était sensible aux
influences et se défendait mal des mauvais conseilleurs Dans cette affaire de
Flandre, par exemple, Valois estimait que Louis ne l’avait pas assez écouté,
tandis qu’il ouvrait trop l’oreille aux conseils du connétable et du comte de
Poitiers Quant à l’élection du pape… Clémence était passée par Avignon ?
Qui avait-elle vu ? Le cardinal Duèze ? Mais bien sûr ; il
fallait faire élire Duèze… Clémence devait comprendre pourquoi Valois avait
tant insisté et si bien manœuvré pour qu’elle devînt reine de France, il
comptait fort sur sa bonne présence, sa grâce et sa sagesse pour l’aider à bien
gouverner le roi. Que Clémence n’hésitât pas à s’ouvrir à lui, en confiance,
sur toutes choses. Dès à présent, il leur fallait conclure une alliance
étroite. N’était-il à la cour le plus proche parent de Clémence, par son
premier mariage avec Marguerite d’Anjou, et ne tenait-il pas lieu de père au
jeune souverain ?…
    En vérité, Clémence commençait à se
sentir ivre de ce flot de paroles, de tous ces noms prononcés pêle-mêle, et de
l’agitation de ce personnage brodé d’or qui virait autour d’elle. Trop
d’impressions neuves, de visages entraperçus, se brouillaient dans sa tête. Et
puis, enfin, elle allait se marier dans un moment. Elle était convaincue du bon
vouloir de chacun, et touchée de la sollicitude que lui montrait le comte de
Valois. Mais elle aurait bien souhaité pouvoir se préparer l’âme. Était-ce donc
cela un mariage de reine ?
    Elle eut le courage de demander
pourquoi l’on mettait tant de hâte à la cérémonie.
    — Parce que Louis doit être
sacré dimanche à Reims, et qu’il a voulu que votre union se fît auparavant,
afin que vous puissiez être au sacre avec lui, répondit Valois.
    Ce qu’il ne dit pas, c’est que les
dépenses du mariage incombaient à la couronne, tandis que les frais du sacre
étaient à la charge des échevins de Reims. Or, la cassette royale, après
l’échec de l’ost boueux, était plus démunie que jamais. D’où ces noces bâclées,
sans le moindre faste ; les réjouissances seraient offertes par les
Rémois.
    Clémence de Hongrie n’obtint un peu
de paix qu’en réclamant son confesseur. Elle s’était déjà confessée le matin,
mais elle voulait être bien sûre d’arriver sans péché à l’autel. N’avait-elle
pas commis quelque faute vénielle, dans ces dernières heures, manqué d’humilité
en s’étonnant du peu de pompe avec laquelle on la recevait, manqué de charité
aussi envers Monseigneur de Valois ?
    Tandis que s’accomplissaient les
derniers préparatifs, Hugues de Bouville fut abordé dans la cour du château par
messer Spinello Tolomei. Le capitaine général des Lombards, toujours aussi
alerte malgré ses soixante ans et sa bonne bedaine, se rendait lui aussi à
Reims car il s’était assuré de grosses fournitures pour le sacre. Il put donner
à Bouville des nouvelles de Guccio toujours hospitalisé à Marseille.
    — Qu’avait-il besoin de s’aller
jeter à l’eau, gémit Tolomei Ah ! il me manque bien ces jours-ci !
C’est lui qui devrait courir les routes.
    — Et à moi, croyez-vous qu’il
n’a pas manqué, tout le long du chemin ? répondit Bouville. L’escorte a
dépensé le double de ce qu’aurait coûté le voyage, si Guccio en avait tenu

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