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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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«  pour la joyeuse et agréable
compagnie que Clémence nous porte humblement et amiablement …» ?
    Et il lui avait encore accordé en
propriété les maisons de Corbeil et de Fontainebleau. Chaque nuit qu’il passait
auprès d’elle semblait valoir un château. Ah oui ! Messire Louis l’aimait
bien. Jamais, en sa présence, il ne s’était montré hutin, et elle ne comprenait
pas comment ce surnom lui était venu. Jamais de querelle entre eux, jamais de
violence. Dieu, vraiment, lui avait donné un bon époux.
    Et malgré tout, Clémence s’ennuyait,
et soupirait en tirant les fils d’or de ses citrons brodés.
    Elle avait fait effort, vainement,
pour s’intéresser aux affaires d’Artois dont Louis, parfois, le soir,
discourait tout seul devant elle en marchant à travers la chambre.
    Elle était effrayée par les grandes
apostrophes de Robert d’Artois, et la manière dont il lui criait :
« ma cousine ! » comme s’il arrêtait sa meute ; cet
homme-là, pour elle, restait avant tout un étrangleur de renards. Elle était
agacée par Monseigneur de Valois, qui souvent lui disait :
    — Alors, ma nièce, quand donc
donnerez-vous un héritier au royaume ?
    — Quand Dieu voudra, mon oncle,
répondait-elle doucement.
    En fait, elle n’avait pas d’amis.
Elle sentait, parce qu’elle était fine et sans vanité, que toute marque d’affection
qu’on lui témoignait était intéressée. Elle apprenait que les rois ne sont
jamais aimés pour eux-mêmes, et que les gens, en s’agenouillant devant eux,
cherchent toujours à ramasser sur le tapis quelque miette de puissance.
    « On n’est pas reine pour être
heureuse ; il se peut même que d’être reine empêche qu’on soit
heureuse », se répétait Clémence l’après-midi où Monseigneur de Valois, le
pas toujours pressé, entra chez elle et lui dit :
    — Ma nièce, je vous porte une
nouvelle qui va fort agiter la cour. Votre belle-sœur Madame de Poitiers est
grosse. Les matrones l’ont certifié ce matin.
    — Je suis fort aise pour Madame
de Poitiers, répondit Clémence.
    — Elle peut vous avoir
reconnaissance, reprit Charles de Valois, car c’est bien à vous qu’elle doit son
état d’à présent. Si vous n’aviez point demandé son pardon le jour de vos
épousailles, je doute fort que Louis l’eût si vite accordé.
    — Dieu me prouve donc que j’ai
bien fait, puisqu’il vient de bénir cette union.
    — Il semble que Dieu bénisse
moins rapidement la vôtre. Quand donc vous déciderez-vous, ma nièce, à suivre
l’exemple de votre belle-sœur ? Il est dommage en vérité qu’elle vous ait
devancée. Allons Clémence, laissez-moi vous parler comme un père. Vous savez
que je n’aime pas mâcher les choses que j’ai à dire… Louis remplit-il bien ses
devoirs auprès de vous ?
    — Louis m’est aussi attentif
qu’un époux peut l’être.
    — Voyons, ma nièce,
entendez-moi bien ; j’entends ses devoirs d’époux chrétien, ses devoirs de
corps, si vous préférez.
    Le rouge monta au front de Clémence.
Elle balbutia :
    — Je ne vois pas que Louis ait
en rien à être repris sur ce point. Je ne suis guère mariée que depuis cinq
mois et je ne pense pas qu’il y ait lieu de vous alarmer déjà.
    — Mais enfin, honore-t-il bien
régulièrement votre couche ?
    — Presque chaque nuit, mon
oncle, si c’est cela que vous tenez à apprendre ; et plus que d’être sa
servante lorsqu’il le veut, je ne puis.
    — Eh bien ! souhaitons,
souhaitons ! dit Charles de Valois. Mais comprenez, ma nièce, que c’est
moi qui ai fait votre mariage ; je ne voudrais pas qu’on me reprochât un
mauvais choix.
    Alors Clémence, pour la première
fois, eut un mouvement de colère. Elle repoussa sa broderie, se leva de son
siège et, d’une voix où l’on pouvait reconnaître le ton de la vieille reine
Marie, elle répondit :
    — Vous semblez oublier, messire
mon oncle, que ma grand-mère a donné le jour à treize enfants, et que ma mère
Clémence de Habsbourg en avait déjà trois lorsqu’elle mourut à peu près à l’âge
que j’ai. Ma tante Marguerite, votre première épouse, ne vous a pas donné motif
de vous plaindre, que je sache. Les femmes de notre famille sont fécondes, et
le prouvent en maints royaumes. Si donc il y a empêchement au vœu que vous
formez, il ne saurait venir de mon sang. Et sur ce point, messire, nous avons
assez parlé pour ce jour, et pour toujours.
    Elle alla

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