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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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se portèrent aux
fenêtres ; les murs s’étaient garnis de casques qui se découpaient sur le
crépuscule. Une compagnie d’archers s’installait dans la cour, et des sergents
se tenaient prêts, au premier signe, à remonter les ponts et à faire choir les
herses.
    — Fuyons, s’il en est temps,
murmurèrent certains.
    — Mais non, Messeigneurs, ne
fuyez pas ; votre fuite ne vous mènerait pas plus loin que le second mur.
Encore une fois, je vous dis que nous voulons éviter la violence, et je prie
votre suzeraine de ne point user des armes contre vous. N’est-ce pas, ma
mère ?
    La comtesse Mahaut approuva d’un
bref signe de tête.
    — Tentons de résoudre autrement
nos différends, poursuivit le comte de Poitiers en s’asseyant.
    Il convia les barons à en faire
autant, et demanda qu’on leur servît à boire.
    Comme il n’y avait pas assez de
sièges pour tous, quelques-uns s’assirent à même le sol. Cette alternance de
menaces et de courtoisie les désorientait.
    Philippe de Poitiers leur parla
longuement. Il leur démontra que la guerre civile n’apportait que le malheur,
qu’ils étaient sujets du roi avant que d’être sujets de la comtesse, et qu’ils
devaient se soumettre à l’arbitrage du souverain. Or celui-ci avait envoyé deux
émissaires, messires Flotte et Paumier, avec mission de conclure une trêve.
Pourquoi les alliés refuseraient-ils la trêve ?
    — Mes compagnons n’ont plus
confiance en la comtesse Mahaut, répondit Jean de Fiennes.
    — La trêve vous était demandée
au nom du roi ; c’est donc au roi que vous faites affront, en doutant de
sa parole.
    — Mais Monseigneur Robert nous
avait assuré… dit Souastre.
    — Ah ! J’attendais bien
cela ! Prenez garde, mes bons sires, à ne pas trop écouter les avis de
Monseigneur Robert qui parle un peu facilement au nom du roi, et vous fait
travailler pour son compte. Notre cousin d’Artois a perdu sa cause contre
Madame Mahaut depuis six années, et le roi mon père, dont Dieu garde l’âme, en
a jugé lui-même. Ce qui se passe en ce comté ne regarde que vous, la comtesse
et le roi.
    Jeanne de Poitiers observait son
mari. Elle entendait avec bonheur le timbre égal de sa voix ; elle prenait
plaisir à reconnaître cette façon qu’il avait de brusquement relever les
paupières, pour ponctuer ses phrases, et cette nonchalance de l’attitude qui
n’était que force dissimulée. Philippe paraissait mûri. Ses traits s’étaient
accusés ; son grand nez maigre se découpait davantage ; son visage
avait pris une structure définitive. En même temps, Philippe semblait avoir
acquis une singulière autorité comme si, depuis la mort de son père, une partie
de la majesté naturelle du défunt fût passée en lui.
    Au bout d’une grande heure employée
à parlementer, le comte de Poitiers obtint ce qu’il voulait, ou du moins ce qui
se pouvait raisonnablement obtenir. Denis d’Hirson serait libéré ;
Thierry, provisoirement, ne reparaîtrait pas en Artois, mais l’administration
de la comtesse resterait en place, jusqu’à la fin des enquêtes. La tête du
sergent Cornillot serait remise aux siens pour recevoir une sépulture
chrétienne…
    — Car, dit le comte de
Poitiers, c’est se conduire en mécréants et non en défenseurs de la vraie foi
que d’agir comme vous l’avez fait. De telles actions ouvrent la voie à des
œuvres de vindicte dont vous seriez bientôt victimes à votre tour.
    Les sires de Licques et de Nédonchel
ne subiraient aucunes représailles, car ils n’avaient voulu que le bien de
tous. Les dames et demoiselles seraient respectées de part et d’autre, comme il
se devait en terre de chevalerie. Et puis tout le monde se retrouverait à
Arras, au bout de la quinzaine, c’est-à-dire le 7 octobre, afin de conclure une
trêve jusqu’à la fameuse conférence de Compiègne, tant de fois repoussée, et
que l’on fixait cette fois au 15 novembre. Si les deux Guillaume, Flotte et
Paumier, ne réussissaient pas à accorder les souhaits des barons et les désirs
du roi, on verrait à envoyer d’autres négociateurs.
    — Il n’est point besoin de
signer rien aujourd’hui ; je fais confiance, Messeigneurs, à votre parole,
dit le comte de Poitiers. Vous êtes hommes de raison et d’honneur ; je
sais bien que vous, Fiennes, et vous, Souastre, et vous, Loos, et tous, tant
que vous êtes, aurez à cœur de ne pas me décevoir, et de ne point me laisser
m’engager en

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