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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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sais que tu risques de rencontrer la mort ou de
     revenir mutilé. Tu attends et tu essaies de tout faire pour surmonter cette
     angoisse, cette panique qui monte en toi. Quand tu y parviens un peu, les
     sirènes te rappellent à quel point tu survis sur un mince fil… Tu ne sais jamais
     quand une bombe te tombera dessus. Tu surveilles le ciel ; tu écoutes chaque
     petit bruit. La nuit, les nuits, c’est pire. L’obscurité ne te protège pas, au
     contraire, elle te trahit.
    Elle lut… ressentant… imaginant…
    Comme tous les soldats, j’avais pris l’habitude d’aller danser, presque chaque
     soir. C’était la seule façon de survivre, de ne pas sombrerdans
     la folie… Les filles étaient belles et ne pensaient qu’à s’amuser, elles aussi.
     Quand tu ne sais pas si tu vas mourir, si tu vas être encore en vie le
     lendemain… le soir même… l’heure même, tu danses, tu danses et tu danses… une
     fille dans les bras, n’importe laquelle. Tu quittes le dancing en riant, avec
     elle tu traverses les champs bras dessus, bras dessous et tu danses, tu danses,
     tu danses… En te mettant à l’abri dans les ruines d’une vieille ferme bombardée,
     te disant que les Allemands ne perdront pas de temps à viser le même objectif
     deux fois, tu danses, tu danses… Tu entends le sifflement de l’obus qui passe si
     près de toi, tu sens son souffle meurtrier qui renifle ses victimes, alors tu as
     tellement peur, tu t’étends, par terre, sur le sol de terre battue et tu danses,
     tu danses…
    À l’aube, fatigué, tu as moins peur, chacun s’en va de son bord, tu ne cherches
     même pas à revoir l’autre, mais un jour, elle est devant toi, son père à ses
     côtés tenant un fusil de chasse pointé vers toi.
    Elle lut… sachant déjà qu’elle pardonnait…
    Une heure après, j’étais marié et je me savais futur père. Le lendemain, j’étais
     sur un bateau avec des milliers d’autres soldats. Nous partions achever les
     Allemands. La guerre a pris fin, puis j’ai été démobilisé. Mon épouse anglaise a
     pu me rejoindre un an après. Je croyais qu’elle refuserait de quitter
     l’Angleterre, mais je crois qu’entre un père autoritaire et un soldat
     canadien-français, elle a préféré le souvenir du charme d’une danse.
    Julia est arrivée, avec d’autres épouses de guerre, en 1946. J’ai fait le voyage
     jusqu’à Halifax pour aller les accueillir, elle et mon fils, que je n’avais
     jamais vu encore, à part sur une photographie. Tu ne peux savoir à quel point
     j’étais nerveux ! Cette Anglaise me semblait si irréelle… Au Pier 21, c’était la
     fête. Des journalistes, des curieux, des notables, des familles, avaient envahi
     le quai pour attendre les War Brides. Je ne comprenais pas pourquoi ces gens
     étaient si heureux et traitaient ces femmes de manière si royale. Moi, je me
     sentais pris au piège. J’avais envie de me sauver, de disparaître, de la laisser
     mechercher, de l’abandonner, de la renvoyer chez elle. Il y en
     a qui le faisaient. Ces femmes, seul un télégramme les attendait leur disant que
     le mari avait fait une erreur. Je suis un homme responsable, Yvette… Alors, j’ai
     essayé, pour mon fils. Mais Julia et moi, nous étions deux étrangers que bien
     plus qu’un océan avait séparés. Je ne t’ai jamais dit de mots d’amour : je me
     l’interdisais à cause de ma condition d’homme marié… Mais je ne veux plus jouer
     à celui qui est au-dessus de tout. Dès la première fois que je t’ai vue dans ta
     robe rouge et tes souliers à talons hauts, tu m’as conquis. Julia va repartir en
     Angleterre, c’est une question de formalités. Cendrillon, je t’aime et je vais
     faire de toi la plus grande des vedettes. Viens me rejoindre, je t’attends, ce
     soir. Ne me déçois pas, j’ai tant de grands projets, surtout UN, pour toi, pour
     nous…

    — Cendrillon, je savais que tu viendrais.
    — Paul-André, je… je…
    Yvette avait pris sa décision. Elle avouerait son état à Paul-André. Il prenait
     ses responsabilités, lui avait-il écrit. Ils trouveraient une solution. Il avait
     un grand projet. Il divorçait, se séparait de sa femme…? Cela ne serait pas le
     mariage rêvé, mais au moins, il y avait une perspective d’avenir pour elle.
     Paul-André ne lui laissa pas le temps d’enlever son manteau ; il la prit dans
     ses bras et se mit à l’embrasser.
    — Julia n’est rien pour

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