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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Mathieu ?
    — Ton frère est parti chercher tes parents. Moi, je loge chez les religieuses.
     Je vais rester avec toi tout le temps, jusqu’à ce que tu sortes ! dit-elle
     fièrement.
    Cela ne plaisait vraiment pas à Pierre.
    — Ils ne voulaient pas trop, mais quand j’ai dit que j’étais ta fiancée, ils
     ont bien voulu.
    Il serra les dents. Il avait de la difficulté à tolérer la présence de la jeune
     fille. Il se retenait pour ne pas lui hurler de s’en aller. Odile se méprit et
     crut qu’il souffrait. Il ne la démentit pas.
    — Comment Mathieu t’a prévenue ?
    — Il est gentil. Il a pris l’adresse sur ma lettre que tu avais sur toi. Il
     pensait que tu étais mort dans le train…
    — Odile, si tu pleures encore, j’te jure que…
    Cette fois, il eut vraiment un rictus de douleur. Il avait eu le réflexe de se
     redresser et sa plaie chirurgicale lui avait rappelé à quel point il devrait se
     rétablir pas à pas, lentement, sans geste brusque et surtout sans Odile pour
     l’exaspérer !

    Yvette ne trouva le courage d’affronter Paul-André que le lendemain. Elle
     voulait retrouver toutes ses forces. Il n’était pas question de se montrer
     défaite ou anéantie. Elle prit un soinméticuleux à améliorer
     son apparence, s’attardant sur son maquillage. Il lui fallait tricher, cacher
     les cernes d’insomnie, redonner de la couleur à un teint gris d’inquiétude,
     faire sourire des yeux qui ne pensent qu’à pleurer… Élégante, vêtue de sa plus
     belle robe, elle se présenta à la répétition plus tôt que prévu. Elle savait
     qu’elle y trouverait Paul-André dans son minuscule bureau aménagé sous les
     tuyaux de la cave du théâtre. Il avait levé les yeux de sa paperasse. Sans lui
     laisser le temps d’ouvrir la bouche, sans tergiverser, elle lui demanda :
    — Est-ce que c’est vrai que tu es marié... et père ?
    Il n’avait pas nié. Son expression avouait.
    — Alors, tu peux m’oublier. Tu n’es plus ni mon agent... ni mon amant.
    Elle avait voulu quitter la pièce, mais Paul-André lui avait bloqué le
     passage.
    — Sandrine, attends, comment l’as-tu appris ?
    — Je m’appelle Yvette, Y-vet-te !
    — Tu ne peux pas me quitter ainsi ! C’est vrai, je suis marié, mais ce n’est
     pas de ma faute ! Enfin, je veux dire... Viens, viens t’asseoir, nous allons
     discuter. Tu ne peux quitter la troupe sur un coup de tête, tu as le premier
     rôle !
    — Pas dans ta vie en tout cas. Tout est fini, c’est tout.
    — Non, écoute, tu vas comprendre… J’ai été obligé ! C’était la guerre, j’étais
     en Angleterre !
    — Paul-André, laisse-moi partir.
    — Après tout ce que j’ai fait pour toi, tu pourrais au moins m’écouter. Ce rôle
     va te rendre célèbre. Que je sois marié ou pas ne change rien…
    — Ça change tout.
    — La guerre, tu ne peux pas savoir… Je t’en prie, fais juste m’écouter un peu,
     juste essayer de comprendre ! Après, tu partiras si tu le désires. Laisse-moi
     une petite chance. Non, ne t’en va pas !
    Yvette ne voulait pas se laisser attendrir. Elle s’était
     attendue à tout sauf à cette attitude suppliante de son amant. Elle s’était
     préparée à ce qu’il nie ou se fâche, mais pas à ce qu’il devienne doux,
     implorant, fragile. Elle se sauva avant de se laisser fléchir.
    Elle reçut la lettre le lendemain. Paul-André était probablement venu la
     glisser lui-même sous la porte de la maison. Yvette alla s’enfermer dans la
     salle de bains. Elle n’avait pas dormi de la nuit. Elle était désespérée…
    Cendrillon,
    Laisse-moi te raconter.
    En Angleterre, nous étions si loin de chez nous. Une langue étrangère, des
     coutumes différentes et, surtout, cette attente dans laquelle nous étions
     plongés ; l’attente d’aller se battre. C’est difficile à expliquer, mais c’était
     un peu comme lorsque, petit garçon, tu te tiens debout sur le bord d’un rocher
     et que tu attends le signal pour sauter dans l’eau noire et effrayante…
    Yvette releva les yeux. Elle ne reconnaissait plus Paul-André. Elle croyait
     entendre sa voix, douce et basse. Pour la première fois, il parlait avec une
     honnêteté et une transparence qui la firent tressaillir. Assise sur le rebord de
     la baignoire, retenant son souffle… elle lut…
    La vie de soldat, cantonné à Londres, c’était comme être sur le bord de ce
     précipice. Tu attends, tu

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