Les porteuses d'espoir
autres.
— Je m’excuse, François-Xavier Rousseau, mais nos deux derniers, ils sont au
séminaire. C’est pas n’importe quoi. Ça ne m’étonnerait pas que Zoel devienne
docteur pis Adélard, avocat.
— Mélanie est jolie pis ben fine, c’est ce qui compte. Elle va faire une bonne
épouse pour Pierre.
— Est pas si belle que ça. Son nez est un peu croche. J’ai bien peur qu’elle
fasse la vie dure à mon Pierre. Lui qui est si doux, si bon, faudrait pas qu’il
se fasse manger la laine sur le dos.
— Je pensais jamais entendre ça de ta bouche.
— Pis cette idée de s’installer vivre à Normandin !
— Toute la famille de Mélanie s’y trouve.
— C’est pas une raison. Nous, on est la famille de Pierre. Ils auraient pu
vivre à Chicoutimi. Vraiment, le choix entre Normandin et ici n’est pas bien dur
à faire, il me semble.
François-Xavier préféra changer de sujet.
— En tous les cas, c’était plaisant de revoir Chapeau au mariage de Pierre. Il
est devenu un homme, cet Indien.
— Imagine notre Léo… dix-huit ans, notre fils. Ça fait des années que je ne
l’ai pas vu. Je le sais que c’était pour son bien de l’envoyer pensionnaire à
cette école de sourds, mais… des fois, j’me dis que ce n’est pas normal de
laisser partir son enfant… J’ai l’impression de l’avoir abandonné. Il ne nous
reconnaîtra peut-être même plus.
— T’exagères…
— C’est comme Hélène, puis Marie-Ange, puis… oh ! j’ai vraiment
pas la tête au courrier du cœur.
Julianna rangea son travail. Elle se leva et alla préparer le déjeuner de son
mari.
— Tu veux un ou deux œufs ?
— Juste des toasts à matin.
— Le cœur va m’éclater en morceaux comment je suis énervée, dit-elle en sortant
le pain. Quand je pense qu’ils vont tous arriver demain ! J’ai tellement
hâte.
— C’est dommage qu’ils aient pas pu venir aux noces.
— Henry est un homme important. Il ne peut pas se libérer en claquant des
doigts.
— C’est le bon côté d’avoir un petit emploi sans responsabilités comme
moi…
— Va réveiller Jean-Bapiste. Il va être en retard à sa job.
— Laisse-le dormir encore. Il a en masse le temps. Il commence pas d’aussi
bonne heure que moi.
— Il est de plus en plus difficile à sortir du lit.
— Il a encore dû traîner en ville. De la façon qu’il courtise la petite
voisine, on va retourner aux noces dans pas grand temps.
— François-Xavier, tente pas le Diable ! J’espère bien que Jean-Baptiste va se
rendre compte que cette fille n’est pas celle qu’il lui faut avant qu’il ne soit
trop tard, pour lui aussi.
François-Xavier s’assit à la table et ouvrit le pot de confiture.
— Pierre a fait un beau mariage. Arrête tes remarques. C’est vraiment
déplacé.
Tout en beurrant ses rôties, il fit une mine désapprobatrice à sa femme.
Pourtant, il était également fautif. Il avait fait bonne figure au mariage de
son fils, mais la honte qu’il éprouvait de ne pouvoir lui offrir un avenir le
tenaillait. La jalousie qu’il avait réprimée devant monsieur Langevin, qui
traitait Pierre comme son fils, heureux que son nouveau gendre le seconde à la
ferme, letaraudait. Même Mathieu s’était installé à Normandin.
Il travaillait au magasin de la tante Édith, la tante de Mélanie. Il semblait
heureux, détendu et plus ouvert avec le beau-père de Pierre qu’avec
lui-même…
— Penses-tu que Mathieu aussi pense à convoler ?
— Avec la cousine de Mélanie ?
— Oui, il la dévore des yeux.
— Cette Jeanne-Ida n’a aucune commune mesure avec Mathieu, voyons ! Elle a
beaucoup trop de caractère ! En tous les cas, ils vont descendre tous les quatre
demain pour le repas. Il va y avoir tant de monde ici dedans, on ne saura plus
où donner de la tête !
— Ça va ben aller. Tu t’en fais toujours trop. Y a personne qui sait recevoir
comme toi.
— Seigneur Dieu tout puissant, es-tu souffrant à matin ?
— Si un homme peut plus faire de compliments à sa femme…
— Tu peux, tu peux, c’est juste qu’en vingt-huit ans de mariage, la semaine
prochaine, je peux compter sur les doigts de la main le nombre de gentillesses
que tu m’as dites.
— C’est pas vrai…
Il s’approcha derrière elle. Elle était en train de se faire cuire des
œufs.
— Je te le dis avec mes yeux, mes
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