Les porteuses d'espoir
revirement de situation qu’il
se retrouva sur le dos. À travers le sang qui coulait d’une coupure à son arcade
sourcilière, il reconnut les traits de celui qui, assis à califourchon sur son
ventre, le tabassait comme s’il était un vulgaire sac de patates. Roger et
Pierre assistaient,estomaqués, à la scène se déroulant sous
leurs yeux. Enfin, Pierre trouva la force de réagir. Il empoigna leur sauveur
par les épaules et le força à cesser son carnage.
— C’est assez, Chapeau !
L’Amérindien se débattit. Il voulait retourner frapper. Roger aida Pierre à le
retenir. Chapeau continuait de gronder un genre de feulement. Gros Jambon se
passa la main devant le visage et cracha dans la neige. Péniblement, il réussit
à se remettre debout. Pierre n’eut pas le temps de réaliser ce qui se passait
que le jeune Indien sortit un couteau et en menaça Gros Jambon.
— Fais pas le fou, le Sauvage… dit le bûcheron en tentant de reculer
prudemment.
Pierre intervint :
— Chapeau, donne-moi ton couteau, calme-toi, voyons…
Les yeux du jeune garçon lançaient des éclairs.
Avec précaution, Pierre mit la main sur le bras qui tenait l’arme et doucement
appuya dessus.
— Chapeau, c’est dangereux…
Gros Jambon recula maladroitement jusqu’à son bagage. Il se pencha, le ramassa.
Comme l’Indien semblait accepter de baisser sa garde, il attrapa ses raquettes
et sans prendre la peine de les chausser, déguerpit avec une rapidité qui
surprit les vainqueurs. Le jeune Montagnais émis un son guttural exprimant la
déception que sa victime lui échappe. Pierre attendit d’être certain que le
fuyard fut loin avant de relâcher sa prise. Chapeau flanqua un coup de pied dans
le tronc d’une souche. Il regarda autour de lui et vit le chapeau d’où lui
venait son surnom. Il le ramassa, secoua la neige qu’il y avait dessus et s’en
recoiffa. Changeant complètement d’attitude, son grand sourire habituel revint.
Là, debout, il semblait attendre que les deux bûcherons l’invitent à prendre le
thé. Pierre ne comprenait rien, mais rien de rien à cette situation de fou. Il
se laissa tomber sur la souche qui ne semblait pas avoirsouffert
du traitement impoli de l’Indien.
— Chapeau, je t’en prie, explique-moé. Tu nous as suivis, c’est ça ?
L’Amérindien fit un grand signe d’assentiment. Puis avec un effort visible, il
prononça un son ressemblant à oui.
Pierre murmura :
— S’il était pas infirme pour qu’il puisse parler aussi !
Avec un froncement de sourcil, Roger émit une idée.
— C’est sa langue, je pense. A l’a quelque chose.
Chapeau fit signe que Roger avait vu juste.
— Ta langue, est pas normale, c’est ça ? demanda Pierre.
Chapeau sembla réfléchir. Son visage s’illumina.
L’Amérindien prit son couteau et avec de grands gestes mima qu’il se tranchait
la langue. Pierre devina :
— Tu t’es coupé la langue !
Toujours par geste et par son guttural, il fit comprendre que ce n’était pas
tout à fait juste.
— C’est quelqu’un qui t’a coupé la langue ! s’exclama Pierre. Tu imagines,
Picard ? C’est dégueulasse. Mais pourquoi, comment c’est arrivé ? Quand ?
Pierre avait mille et une interrogations. Il voulait tout savoir.
— Un jour, j’aimerais tellement pouvoir le comprendre.
Roger reprit son bagage.
— Ben en attendant, il faut qu’on se rende au village. Y nous a mis dans le
trouble, ton maudit Sauvage !
— Roger !
— Ben quoi ! On le sait pas, le chemin, nous autres. Pis je pense que je me
suis cassé le nez.
Fâché de la tournure des événements, il se demandait bien comment ils
pourraient se sortir de ce mauvais pas.
Chapeau lui fit signe de se calmer.
— Je pense qu’il veut qu’on le suive, dit Pierre.
En bougonnant, Roger jeta un œil mauvais à l’Indien redevenu
aussi doux qu’avant.
— Ben on a pas grand choix. Pis un Sauvage, c’est supposé avoir le bois dans le
sang, sinon ben… on nous retrouvera gelés demain matin comme le gars dans Maria Chapdelaine . Ils feront un livre sur notre pauvre destin.
— Yvette, arrête de me casser les oreilles avec tes histoires de
chanteuse.
— Maman... je suis tellement malheureuse icitte ! Je veux aller à
Montréal !
— Ma fille, dans la vie, on fait pas ce qu’on veut, mais ce qu’on peut.
Julianna n’en croyait pas ses
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