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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de la patte d’abord ? Tu nous ralentis.
    — Tu me chercherais-tu des poux, par hasard, le gros ? dit Roger en jetant son
     sac par terre.
    — Laisse-le donc tranquille, s’interposa Pierre en se délestant à son tour. Des
     poux, on en a eu notre lot de vrais...
    Les deux amis retirèrent leurs raquettes et les plantèrent solidement dans la
     neige. Prenant leur couverture de laine, roulée etattachée à
     chaque havresac, ils l’étendirent par terre, au pied des raquettes. Pierre et
     Roger se laissèrent tomber sur leur chaise improvisée. Gros Jambon les avait
     imités, s’installant un peu plus loin, en face des deux amis. Un instant, les
     trois randonneurs se contentèrent de se reposer, le dos bien accoté sur les
     cordages tressés. Roger sortit un morceau de pain et en offrit à Pierre.
    — Vous formez un beau p’tit couple vous deux, dit Gros Jambon en les regardant
     d’un air mauvais. Retenez-moé quelqu’un ou je vas me mettre à brailler comment
     vous êtes touchants !
    — Gros Jambon, commence pas..., dit Pierre.
    — Un ben beau p’tit couple, toujours collés ensemble, qui disparaît dans le
     bois. J’aurais dû vous suivre, je gage que je me serais rincé l’œil. J’ai jamais
     vu une curiosité de la nature comme deux hommes. Mais on t’appelle pas le Curé
     pour rien, hein ? Est-ce que tu mettais le Picoté à genoux, en pénitence, devant
     toé, le Curé ?
    — Ta gueule, Gros Jambon.
    — Laisse-le dire, intervint Roger. Tu sais ce qu’on dit ? Gros parleur, p’tit
     faiseur. Tout le monde au chantier sait que le Gros Jambon, y a ben de
     l’activité sous sa couverte la nuit. Tu comprends, y cherche encore où se cache
     sa petite affaire.
    Celui qui avait commencé la querelle se releva, rouge de colère. Roger et
     Pierre se mirent également debout, affrontant l’autre bûcheron du regard. Roger
     en rajouta. En chantonnant, il mima de son pouce et de son index un minuscule
     objet.
    — Un gros, gros parleur, un p’tit, p’tit faiseur, chantonna-t-il.
    Pierre prenait sur lui. Il s’était juré de ne plus jamais se laisser emporter
     comme le jour où il avait battu son enseignante. Il avait si peur de perdre tout
     contrôle de lui-même ! Il serrait les poings, se forçait à respirer. Une injure
     de plus, une autre allusion, et ce serait trop. Tout à coup, Gros Jambon afficha
     un rictus déplaisant.
    — Est-ce que ça suce ben, un mangeur de soutane ?
    Voilà, c’en était trop. Comme un ressort, Pierre s’élança versson vis-à-vis. Roger le retint. Gros Jambon recula. Il était peut-être d’une
     forte corpulence mais il était mou comme du fromage. Il se savait piètre
     batailleur. Il ne possédait pas l’avantage de la vitesse ni de la souplesse à
     cause de son embonpoint. Gros jambon soupesa ses chances. Si le Picoté avait été
     seul, il lui aurait foncé dessus sans hésitation, mais l’autre, le visage aussi
     rouge que les cheveux, la mâchoire crispée, tout dans le Curé dégageait une
     violence contenue qu’il devinait redoutable. Gros Jambon était peut-être bête,
     mais il n’avait pas l’habitude de se battre sans être certain de remporter la
     victoire. Son instinct de survie était bien développé. Il l’avait aiguisé au
     cours des années de son enfance entre un père à la claque quotidienne et un curé
     trop entreprenant. Lui, il avait été régulièrement puni. Il l’avait baissée, la
     tête, tandis que le curé relevait sa soutane. Il l’avait baisée, cette bête que
     le curé sortait de sa cachette.
    Les trois hommes se défièrent un moment. Pierre reprit le contrôle de lui-même
     et refusa d’engager la lutte. Gros Jambon n’aurait pas été plus loin si, à ce
     moment, le Picoté n’avait pas eu ce petit sourire narquois au bord des lèvres.
     On ne riait pas de Gros Jambon. Tel un taureau, il rugit et fonça sur ses
     proies. Gros Jambon frappait, sans viser, certain qu’un de ses coups atterrirait
     dans les côtes ou le menton d’un des deux adversaires. Pierre essayait de parer
     les chocs et de protéger son ami, beaucoup plus frêle que lui et qui se serait
     fait massacrer en trois secondes s’il avait été seul. Tout à coup, un drôle de
     rugissement se fit entendre. Un grondement impossible à reconnaître, mi-homme
     mi-animal. Une forme se jeta dans la mêlée et la bataille devint de trois contre
     un. Gros Jambon n’eut pas le temps d’assimiler le

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