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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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arrivait-on à surmonter un tel chagrin ? Comment sa mère pourrait-elle, un jour,
     retrouver le sourire ? Comment cette famille allait-elle survivre à cette
     perte ? Barthélémy avait été un enfant si adorable. Étant le benjamin de la
     famille, tout le monde l’avait honteusement gâté. Yvette la première. Elle
     l’avait tant bercé le soir dans la cuisine que parfois, elle se retrouvait le
     bras tout ankylosé. Mais elle aimait mieux cet inconfort que se séparer de ce
     petit corps tout chaud qui s’endormait profondément, blotti sur ses genoux. La
     nuit de sa mort, Yvette l’avait pris ainsi tandis qu’avec sa mère, elle
     attendait le retour de son père, parti de toute urgence chercher le docteur.
     Devant un chaudron d’eau qui prenait une éternité à bouillir, sa mère
     répétait :
    — De la vapeur, il faut faire de la vapeur, ça va l’aider à
     respirer...
    Dès les premiers bouillonnements, elle avait versé l’eau dans une bassine
     déposée sur le bord de la table. Elle avait ordonné à Yvette de s’en approcher.
     Plaçant son petit frère dos à elle, lui soutenant la tête d’une main sur le
     front, elle se pencha au-dessus de la bassine. Sa mère les recouvrit d’une
     grande serviette. Sous cette tente improvisée, Yvette se mit à chantonner
     doucement la comptine préférée de son petit frère. Sa voix inquiète se mêlant
     aux quintes de toux de l’enfant rendait la berceuse presque
     méconnaissable.
    — Penche-le comme il faut, Yvette !
    — Il gigote !
    — Il faut qu’il respire de la vapeur !
    Après quelques minutes de ce traitement, Barthélémy se calma. Yvette appuya la
     tête contre elle et se recula du bassin. Repoussant la serviette, elle respira à
     grands coups l’air libre. Elle sourit à sa mère.
    — Ça a marché maman, il tousse plus, dit-elle d’un ton heureux.
    Julianna les fixait d’un air hébété.
    — Est-ce qu’il dort maman ? demanda Yvette, qui ne voyait pas le visage de son
     frère.
    Julianna joignit les mains sur son ventre comme si elle venait de recevoir un
     coup de couteau. Tout en douceur, telle une poupée de chiffon, elle tomba sur
     ses genoux avant de rouler sur le côté, s’affaissant, inconsciente.
    Sans déplacer son petit frère, Yvette resta un moment immobile. Avec crainte,
     lentement, elle plaça sa main libre sur la poitrine de Barthélémy. Devant
     l’absence de mouvement, l’horreur de la situation pénétra son cerveau. Ses
     traits se tordirent de douleur. La bouche crispée, elle resserra son étreinte
     sur le corps deBarthélémy. Les larmes lui montèrent aux yeux.
     Elle recommença à chantonner, comme si son frère était vraiment endormi, que sa
     mère n’était pas étendue par terre.
    —  C’est la poulette grise… Qui a pondu dans l’église… Elle a pondu un petit
     coco… Pour… Pour Barthélémy… Qui va faire dodo… Dodiche dodo…
    Yvette déposa sa joue sur le dessus de la tête de son petit frère et ferma les
     yeux.

    — Arrêtez de crier, arrêtez de hurler !
    La tête en bas, Léo, Laura, Jean-Baptiste, Barthélémy... Tous ses petits frères
     et sœurs avaient la peau arrachée. Pleumés comme des lièvres. Mathieu
     observait leur supplice, impuissant. Le feu grondait autour des victimes,
     léchant leur corps mutilé. Il lui fallait éteindre les flammes.
    — C’est de ma faute !
    Drôlement habillé d’un pyjama d’enfant, l’adolescent dressait un immense pénis,
     si lourd, si gigantesque, qu’il avait peine à le tenir de ses deux mains. Les
     larmes aux yeux, il urinait, essayant d’éteindre les flammes, de sauver sa
     famille en les suppliant d’arrêter de hurler, pour se rendre compte qu’ils
     étaient muets, et que c’était lui qui criait.
    Mathieu s’éveilla ; encore une fois, il avait mouillé son lit. Depuis la mort
     de Barthélémy, ces cauchemars d’enfance étaient revenus en force le hanter. Il
     n’y avait rien à comprendre. Il n’était pas normal. Rageusement, il roula son
     drap en boule. Il enfila son pantalon et sur le bout des pieds, pour ne pas
     réveiller la maisonnée, il se dirigea au salon. Il n’avait pas besoin
     d’éclairage. Il connaissait le chemin qui le menait au piano par cœur.
     Doucement, il releva le couvercle du clavier. Il alluma la chandelle. Il déposa
     unefeuille vierge sur le rebord. Concentré, il se mit à jouer.
     Ses doigts survolaient les touches sans les

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