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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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marmite était accrochée
     entre deux branches. Dans l’eau bouillante, il jeta un pain de savon et y fourra
     le linge de cuisine. Ensuite, il se prépara une pâte de cendre et d’eau et
     récura les casseroles. Il frotta aussi longtemps que tout dans la cuisine ne fut
     pas d’une propreté exemplaire. Ce soir-là, les gars purent se mirer dans leur
     assiette. Ils n’eurent droit cependant qu’au restant de pain et à de la mélasse.
     Après avoir tout nettoyé, Pierre avait remis au lendemain la préparation de son
     premier repas. En l’espace d’une seule journée, son tablier fut aussi sale
     qu’avant, sa chaudronnée de fèves au lard avait pris au fond et il y avait de la
     farine et de la saleté graisseuse partout. Son ménage était à recommencer et les
     hommes mangeraient encore la même chose que la veille… Quand toutes les réserves
     de pain furent épuisées, Pierre dut se résoudre à boulanger. Après plusieurs
     tentatives, ces pains qu’il venait de sortir étaient les mieux réussis.
     Découragé, Pierre s’épongea le front avec une guenille. Il faisait si chaud
     devant ses fourneaux ! Il devait tenir le coup jusqu’en juillet environ. La
     drave serait terminée et il se rendrait travailler pour monsieur Langevin, s’il
     avait toujours besoin de lui. Soudain, le contremaître déboula dans la
     cuisine.
    — Dubois, va dehors sonner la cloche, vite !
    Que pouvait-il bien se passer, se demandait Pierre en s’empressant d’aller
     tirer fermement sur la corde reliée au gong de métal. Son patron l’avait suivi.
     L’urgence de la situation était palpable. Dans la forêt, les haches se turent.
     Au bord de la rivière, les draveurs relevèrent la tête, attendant de voir si le
     signal persistait. Jamais l’ordre de rassemblement n’avait résonné avec autant
     d’ardeur. En courant, ils émergèrent des bois et se ruèrent au-devant de leur
     nouveau cuisinier. Pierre continua d’agiter frénétiquement la cloche. À côté de
     lui, le contremaître regardait en souriant ses hommes s’agglutiner devant
     lui.
    Lorsque d’un coup d’œil il se fut assuré que la majorité étaitréunie, il fit un signe de la main. Il obtint immédiatement le silence. Pierre
     alla rejoindre ses compagnons.
    — Les gars, commença le contremaître. Aujourd’hui, on est le 8 mai 1945. Il
     faudra se souvenir de cette date.
    Les bûcherons échangèrent un regard interrogateur.
    — Je viens d’écouter un message à la radio, reprit le chef.
    L’homme savoura cet instant où tous étaient accrochés à ses lèvres.
    — La guerre est finie en Europe. Les Allemands sont vaincus !
    Une exclamation de joie s’éleva. Les hommes se prirent dans leurs bras. Le
     contremaître reprit la parole.
    — Le gouvernement King a déclaré qu’astheure, y a juste les volontaires qui
     vont se battre dans la guerre du Pacifique.
    Les commentaires fusèrent :
    — Ça veut dire quoi ?
    — On peut sortir du bois sans danger ?
    — La guerre est-tu finie ou pas ?
    — Ah ! ce bon King, vous pouvez être sûrs que je vas encore voter de son bord
     en juin prochain ! Il fait de la bonne job à Ottawa !
    — La guerre est pas vraiment terminée. Il reste encore le Japon qui se
     bat.
    — Les déserteurs doivent rester cachés.
    — Le plus gros est fait. Ils ont plus besoin de conscrits.
    — Y a plus de danger de recevoir une lettre d’enrôlement. Moé, je sacre mon
     camp dès demain !
    — Mais moé, y va falloir que je reste caché... Je le sais pas ce qui va arriver
     avec nous autres, les déserteurs. Je veux pas faire de la prison...
    — Duplessis à Québec, King à Ottawa, pis la guerre finie. Tassez-vous de là,
     les belles années s’en viennent.
    — Comme on est pas grayés de cook, on va se reprendre sur les réserves de
     gin !
    — Oui, il faut marquer ce grand jour !
    Un vieil homme se détacha du groupe et vint se placer près du contremaître. Âgé
     de soixante-dix-neuf ans, l’homme longiligne à la stature frêle était le doyen
     des bûcherons et certainement de tous les chantiers environnants. Quand Pierre
     avait appris que le vieil homme faisait de la drave depuis plus de quarante ans,
     été après été, il avait cru à une blague. Les bûcherons devaient lui monter un
     bateau ! On l’avait entraîné à la rivière et il avait été témoin de la scène du
     vieillard sautant avec prestance sur une roule de billes

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