Les porteuses d'espoir
lui diras bonjour de notre
part. Il faut que je te dise, je suis bien fière, je suis une enfantde Marie astheure. C’est un bel honneur que de faire partie de
ce groupe. J’ai hâte au mois de mai. Pendant le mois de Marie, quand on va faire
la procession, je vais porter ma banderole sur mon uniforme d’école. Jeanne-Ida
est verte de jalousie. »
« Moi, au mois de mai, je vais faire de la drave. Ça va être mon premier été
comme draveur. »
« De la drave ? C’est dangereux ! Je vais mourir d’inquiétude. »
« Tu exagères Mélanie. Continue à bien aider ta mère à la maison. Laisse-toi pas
trop mener par Jeanne-Ida. Dis bonjour à tout le monde. Signé de ton presque
grand frère. »
En souriant affectueusement, il ajoutait parfois un petit dessin humoristique à
sa signature. En fin de compte, Mélanie avait eu raison d’insister. Ce jeu de
courrier s’était avéré amusant. Cela désennuyait et l’hiver passa plus
vite.
Printemps 1945
P
ierre se pencha et ressortit du poêle à bois une
fournée de pain. Déçu, il regarda le résultat. La croûte brûlée, les fesses de
pain à moitié levées ne feraient pas un malheur auprès des gars du chantier.
Pierre eût été meilleur draveur en fin de compte. Au mois d’avril, le cuisinier
du camp était tombé gravement malade. L’homme avait quitté la forêt avec le plus
gros de l’équipe, qui n’avait plus d’ouvrage. Il ne restait que les gars de la
drave. Pierre se retrouva promu aux fourneaux.
— Dubois, le foreman veut te parler, lui avait dit un bûcheron.
Dans le bureau du contremaître, son patron n’avait guère lésiné.
— T’as jamais fait la drave encore.
— Euh, non…
— T’as déjà fait à manger ?
Surpris, Pierre bafouilla.
— Ben, je suis le plus vieux chez nous… Y m’est arrivé d’aider à boulanger…
mais…
— Ça va faire l’affaire. À partir de tout de suite, tu prends en main la
cookerie.
— Mais…
— J’ai pas le choix, Dubois. T’es pas entraîné pour la drave pis il faut que
les gars mangent.
Pierre voulut expliquer que sa seule expérience en la matière avait été
d’ouvrir la porte du four, mais il ne put placer un mot.
— De toute façon, tu peux pas faire pire que le cook qu’on
avait.
Il fallait admettre que l’ancien cuisinier n’était pas très doué. La nourriture
avait été infecte. Pierre ressortit du bureau et se dirigea vers son nouveau
royaume. Sur des clous, diverses casseroles, la plupart bosselées, pendaient.
Par terre, était déposé un immense chaudron dans lequel un homme aurait pu se
blottir. Pierre en retira le couvercle et plissa le nez, écœuré. Le récipient
recélait des semaines d’accumulation de repas collés au fond. Pierre remit le
couvercle en place et poursuivit son exploration. Quelques planches avaient été
clouées sur des souches et servaient de comptoir de préparation. Avec bonheur,
il y trouva une liasse de papiers. En grosses lettres était écrit : RECETTES. Il
les parcourut des yeux : RAGOÛT, BEANS, TARTE, PAIN, SOUPE AUX POIS. Bon, après
tout, cela ne devait pas être bien, bien difficile. Il enfila un tablier si sale
qu’il aurait pu tenir debout tout seul. Avec une mine de dégoût, il le retira.
Dans un coin, il découvrit les poches de farine, de sucre, de pois cassés, les
gallons de mélasse, de graisse et quelques autres ingrédients de base. Il revint
devant le tréteau de bois et prit dans ses mains une grosse louche aussi crottée
que le reste. Avec un soupir, Pierre se demanda si en fin de compte, se tenir en
équilibre sur des billots de bois flottant sur une rivière n’aurait pas été un
choix plus éclairé. Au lieu de brandir une louche, il aurait tenu une gaffe et
aurait bravement couru le risque de tomber à l’eau et de se noyer ou de se faire
broyer par la masse de troncs d’arbres qui se poussaient pour être les premiers
à arriver à l’embouchure de la rivière… Bon, il n’était pas draveur, il était
cuisinier. Autant se faire à l’idée. Il ne connaissait peut-être pas grand-chose
à la cuisine, mais il savait que la base d’un bon travail était de bons outils.
Il ramassa le chaudron de sorcière, y entassa le tablier, les guenilles, les
linges de table, les ustensiles et les casseroles. Il transporta le tout à
l’extérieur. Au-dessus d’un feu, une
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