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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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d’être
     avec ce garçon aux cheveux roux. Avant de pénétrer dans le hangar, elle reprit
     son souffle. En pestant contre son uniforme bleu d’écolière, elle lissa de ses
     doigts ses cheveux frisés. Elle refit la boucle de son ruban blanc qui ornait le
     col de sa chemise. Comment Joe pouvait-il s’intéresser à un épouvantail à
     moineaux comme elle ! Elle se pinça les joues pour se donner des couleurs et se
     mordit les lèvres pour les gonfler voluptueusement et parer à l’absence de rouge
     à lèvres. Redressant les épaules, elle espéra rendre sa poitrine plus généreuse
     qu’en réalité. Affectant un air dégagé, elle alla à la rencontre de
     l’homme.
    — Bonjour Mélanie, la salua-t-il gentiment en l’apercevant. Que me vaut
     l’honneur de cette visite ?
    — J’aurais ben d’autres choses à faire que de t’apporter ton courrier,
     maugréa-t-elle en lui tendant la lettre.
    Il ne fallait pas qu’il devine ses sentiments. Elle serait morte de honte s’il
     avait su.
    — J’ai les mains pleines de graisse. Tu serais ben fine de la mettre dans ma
     poche de chemise.
    Mélanie hésita. Elle ne pouvait refuser ce service sans paraître vraiment
     enfantine. D’un autre côté, cela lui semblait trop intime.
    — Allez Mélanie, moi non plus j’ai pas rien que ça à faire, pis y a pas de
     place propre sur l’établi.
    Gênée, elle s’exécuta. Du bout des doigts, elle tenta maladroitement de faire
     entrer l’enveloppe dans l’étroit espace.
    — T’as juste à la plier.
    Elle se reprit après avoir suivi le conseil de Pierre. À travers le tissu, elle
     eut conscience du corps musclé du jeune homme. Malgré lui, Pierre ressentit un
     drôle de pincement au creux de sonventre. Ses yeux accrochèrent
     les billes bleues de Mélanie. Il pencha la tête vers ce regard rempli d’attente,
     de beaucoup trop d’attente. La lettre bien en sécurité dans sa poche de chemise,
     il passa un doigt sale sur le bout du nez de l’écolière.
    — Dis à ta mère que je m’en viens souper bientôt. Pis oublie pas de te laver le
     nez.

    — Qu’est-ce qu’il y a, mon Joe ? Ça va pas ?
    Pierre venait de s’attabler avec le reste de la famille Langevin. Tout le monde
     était bien excité et ils parlaient tous en même temps, racontant leur journée.
     Monsieur Langevin était un père de famille bien patient. Il n’exigeait pas le
     silence à sa table, au contraire, il aimait ce brouhaha. Évidemment, quelquefois
     il devait sévir et donner la fessée ou la ceinture à ses enfants un peu trop
     turbulents, mais ce n’était jamais de gaieté de cœur. C’était son rôle de père
     de faire la discipline. Quand il rentrait le soir et que sa femme se plaignait
     qu’un tel avait fait une bêtise et qu’elle lui avait promis qu’au retour du
     paternel, il recevrait la fessée méritée, monsieur Langevin n’avait pas d’autre
     choix que de s’exécuter. Au grand soulagement des enfants, il n’y mettait jamais
     beaucoup de force. Ses enfants le respectaient. Le père demanda du calme à la
     table. Il venait de remarquer l’air défait de Pierre.
    Tout en mettant son repas devant lui, madame Langevin s’en inquiéta à son tour.
     Pierre était sous le choc de la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Il ne savait
     comment réagir. Les yeux dans le vide, il resta silencieux. La mère de famille
     insista :
    — Y a-tu quelque chose qui va pas, mon gars ?
    Pierre était porté à souffrir en silence, à chercher un coin secret pour panser
     ses plaies. D’un autre côté, partager ce drame ne pouvait qu’être
     salutaire.
    — C’est mon petit frère Barthélémy… commença-t-il. Il a été ben
     malade.
    — Ah non ! Joe, dis-moi pas que...
    Pour toute réponse, deux larmes roulèrent sur les joues de Pierre.
    — Il avait rien que trois ans… ajouta-t-il.
    Du revers de la main, Pierre essuya ses larmes.
    — Pis je peux même pas descendre trouver ma famille !
    Madame Langevin lui mit une main réconfortante sur l’épaule. Elle regarda sa
     famille où tous affichaient un air de grande tristesse.
    — Les enfants, tout le monde à genoux. Nous allons prier avec toé, Joe, pour ce
     pauvre petit bonhomme. Misère de misère, que la vie peut être dure !

    Avec la mort de Barthélémy, Yvette relégua son projet de voyage aux oubliettes.
     L’image de son petit frère décédé la hanterait pour l’éternité. Comment
    

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