Les porteuses d'espoir
cela le faisait souffrir.
François-Xavier s’étira. Assis sur les marches de la galerie avant de sa maison,
il fumait une pipe. La nuit allait tomber bientôt. Il profita de ce moment béni
pour trouver un peu de calme.
— François-Xavier, il faut que je te parle, dit Julianna en le
rejoignant.
Il soupira.
— Si c’est encore cette histoire de voyage à Montréal avec Yvette, tu sais ce
que j’en pense.
Il ne demandait pourtant pas la lune, juste cinq minutes de
tranquillité !
— Non, non, c’est Barthélémy. Sa toux a empiré pis je suis inquiète, dit-elle,
les sourcils froncés.
— Comme si c’était nouveau ! On peut pas craquer dans cette maison sans que tu
t’énerves, répondit sèchement son mari.
Il avait mal, était éreinté, il voulait seulement un moment de quiétude.
Fâchée du manque de considération, Julianna reprit :
— Excusez-moi pardon d’avoir dérangé monsieur ! Fume ta pipe voyons, c’est ben
plus important que la maladie de notre fils.
Elle fit mine de rentrer. Son mari l’en empêcha. Il regrettait son
impatience.
— Julianna, c’est toujours ben pas la première fois qu’un de nos enfants est
malade. Depuis que Léo est resté sourd, tu imagines le pire à chaque petit
bobo.
— Cette fois-là, j’suis certaine que c’est grave. Toute la journée, j’me suis
retenue pour pas aller te chercher aux champs. Barthélémy s’étouffe rien qu’à
respirer ! Je veux que tu ailles chercher le docteur.
— On va laisser passer la nuit pour voir pis demain, si ça rentre pas dans
l’ordre comme à toutes les fois qu’un de nos petits gars a eu la grippe, j’irai
demander le docteur.
— Tête de cochon de Rousseau ! Viens le voir. Ça tire par en dedans sur sa
poitrine quand il respire. C’est pas normal, je te dis !
— Je vas monter tantôt, soupira François-Xavier en se retournant vers
l’horizon.
Insultée que son mari ne démontre pas plus d’empressement, Julianna se mit en
colère.
— Si jamais mon bébé a quelque chose pis qu’à cause de toi, y a pas vu le
docteur à temps, je te le pardonnerai jamais, tu m’entends-tu François-Xavier
Rousseau, jamais !
Il la regarda s’engouffrer dans la maison, faisant claquer la
porte sur ses gonds. Il soupira. Avec les années, les éclats de son épouse
étaient devenus habituels. Au moindre bouton, à la moindre toux, elle paniquait.
En cette fin d’octobre, les journées et les nuits commençaient à être froides.
Lui-même frissonna. Il ne s’était pas assez couvert. Peut-être que son petit
garçon perçait des dents. Malgré qu’à trois ans, les dents ont probablement fini
de pousser… Peut-être pas toutes… Souvent, ils avaient le nez qui coulait
pendant ce temps. Il dirait à Julianna de lui mettre de l’huile de clou sur les
gencives. Ça ne pourrait pas faire de tort. Il n’irait certainement pas déranger
ni payer le docteur pour une dent !
Toujours dans ses pensées, il se dit qu’il serait plus sage de rentrer
s’assurer que Barthélémy n’était pas si gravement atteint. Il haussa les épaules
et décida de rester encore un instant sur la galerie. De toute façon, ce ne
serait pas la première chose que Julianna ne lui pardonnait pas...
Énervée, Mélanie se dirigea vers l’arrière de la ferme paternelle. Dans
l’atelier, elle savait y trouver l’homme engagé. Son père l’avait envoyé y
mettre de l’ordre en vue de l’hiver qui s’annonçait. Mélanie, qui revenait de sa
journée d’école, portait son costume de couventine. Fréquentant le couvent du
village, à son habitude, elle était passée prendre le courrier au bureau de
poste qui était situé sur son chemin de retour. Le maître de poste lui avait
remis une lettre adressée à monsieur Joe Dubois. Quand sa mère lui avait demandé
d’aller la remettre tout de suite au jeune homme, elle n’avait même pas changé
de vêtements et avait couru jusqu’au petit garage. Avoir un prétexte pour être
en tête à tête avec Joe était plus qu’elle ne pouvait espérer. Elle le trouvait
beau comme un dieu. Dès qu’elle l’avait vu la première fois, cela avaitété le coup de foudre. Elle avait caché du mieux qu’elle avait
pu ses sentiments. Cet amour, si fort, si soudain, l’avait effrayée. Depuis le
cinquantième, elle avait moins peur. Elle n’avait qu’une envie, celle
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