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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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les maladies !
    — Yvette ! C’est pas moi qui les a inventées, toujours !
    — Non, mais de là à penser que je vais tout attraper si je mets un orteil à
     Montréal !
    — Je suppose que tu vas me mettre sur le dos les oreillons de tes petits frères
     l’été dernier, maugréa Julianna en retirant les carottes du feu.
    Prenant un pot de conserve, avec une pince, elle commença à les
     transvider.
    — C’était rien que normal que tu restes m’aider…, continua Julianna avec une
     moue boudeuse.
    Yvette changea d’attitude. Elle alla aux côtés de sa mère et lui prit
     l’ustensile des mains.
    — Laissez-moi finir, maman. Reposez-vous un peu.
    Julianna ne s’obstina pas et alla se bercer. Les yeux dans le vide, elle
     réfléchissait. Sur un ton radouci, Yvette dit :
    — J’ai vingt ans maman. Vous pouvez comprendre ça.
    — J’te dis toi, quand t’as quelque chose dans la tête, tu l’as pas dans les
     pieds.
    — Maman, je me trouve ben patiente, moi…
    — Yvette, j’en reparle à ton père à soir.
    — Il va encore dire non, maman, vous le savez bien ! Lui, il voudrait que je me
     marie avec Gustave Deschênes !
    — C’est un bon parti. Il a un bon travail, il réussit bien sa vie.
    — Pis qu’il ait un caractère de chien, ça c’est pas grave ! Vous seriez prêts à
     me marier avec le premier venu, du moment qu’il a un peu d’argent de
     côté !
    — Yvette, parle-moi pas sur ce ton ! Pis Gustave, tu l’aimais bien aux
     dernières nouvelles.
    — Excusez-moi, maman. Je l’hais pas, Gustave, mais je veux pas me marier avec.
     Maman, je vous en prie. Je veux pas de cette vie-là… finit-elle presque en un
     murmure.
    — Ton père veut juste ton bonheur, ma grande fille.
    — Alors, laissez-moi partir pour Montréal.
    — Pour lui, ce serait là ton plus grand malheur.
    — Ben, je commence à penser que je vas prendre le train avec ou sans votre
     permission.
    — Yvette ! Si tu veux voir vraiment ton père en colère pis te ramener par les
     cheveux de Montréal à Saint-Ambroise, fais ça. Tu n’es pas encore majeure. Ton
     père n’a pas l’air de faire de vague de même, mais moi je le connais. Je vais
     lui parler à soir quand il va revenir de Chicoutimi.
    — Ça fait plusieurs fois qu’il descend en ville, papa. Il veut jamais
     m’emmener, en plus…, dit Yvette d’un ton boudeur.
    — Là, il a ben raison. Avec tout l’ouvrage que j’ai, t’es mieux de pas
     t’éloigner, toi.
    — Vous allez y parler dès son retour ? insista Yvette.
    — Ben oui… Ah non ! s’exclama tout à coup Julianna. J’avais complètement
     oublié !
    — Quoi ?
    — Le curé, le curé vient nous voir à soir ! Il a d’affaire à nous autres, mais
     je sais ben pas pourquoi.
    — Maman…
    — Yvette, je vais parler à ton père juste après que le curé soit reparti, je te
     le promets. Mais fais-toi pas d’illusions. Ton père veut vraiment rien
     savoir.
    — Il voudrait me voir mariée ou religieuse comme Laura !
    — Ton père est pas si borné que ça. Je te l’ai dit, il veut juste ton
     bonheur.
    — C’est pas enterrée vivante icitte que je vais le trouver certain, mon
     bonheur.
    — Il ne comprend pas que tu refuses les avances de Gustave. Son père a une
     ferme prospère. Tu mangerais pas de la misère noire, toi…
    — On est plus dans l’ancien temps. C’est-tu si péché de demander un peu plus à
     la vie ? Les maîtresses d’école pis tout lemonde nous rabâchent
     les oreilles qu’on est nés pour un petit pain, qu’il faut accepter son sort,
     porter sa croix. Moi, maman, ce que je ressens en dedans de moi, c’est que j’ai
     tout ce qu’il faut pour me boulanger une vie faite de brioches pis de gros pains
     dorés ! Je vas hurler si j’essaye pas. C’est tout ce que je vous demande, maman,
     de me laisser la chance d’essayer. J’ai des amies de fille qui sont ben
     heureuses mariées, à bercer leurs bébés. Elles sont fières que ça sente bon le
     ragoût dans la maison quand le mari rentre ; elles sont contentes de frotter
     pour que tout brille comme un sou neuf, mais moi, maman, j’ai une boule, icitte,
     en pleine poitrine. Je le sais que Montréal, c’est ben loin, mais j’ai la chance
     d’avoir matante Marie-Ange qui habite là-bas… Maman, je passe mes journées à
     vous aider. Je fais à manger, on jurerait que c’est moi, la mère de
     maison !
    Julianna

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