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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qu’avant. Il rendait grâce à Dieu
     d’avoir retrouvé la paix de l’âme. Il ressentait un peu le même sentiment
     grisant qu’après s’être remis de ses brûlures, quand il avait réussi à faire
     quelques pas sans trop de douleur. Il se sentait encore fragile, mais savait que
     tout irait en s’améliorant. Il se mit à lire les enseignes des boutiques. Iltrouva celle qu’il cherchait. En sifflant, il franchit la porte
     du Patro . Quand ses yeux s’habituèrent à la pénombre, il discerna une
     dizaine de tables rondes entourées chacune par deux couples de chaises. Personne
     ne les occupait. L’établissement était vide. Sur le mur de gauche, une affiche
     de Guinness, une bière irlandaise, disputait la place avec une grosse horloge
     ronde. Au contraire, sur le mur d’en face, un jeu de fléchettes si usé que plus
     un dard ne devait tenir, régnait en roi et maître. Pierre se dirigea vers le
     comptoir et attendit que quelqu’un vienne. Derrière le bar, il y avait le
     traditionnel miroir qui permettait au tenancier d’avoir sa clientèle à l’œil.
     Mais à ses côtés, Pierre était certain que rien de semblable à ce qu’il voyait
     ne devait exister ; il se pencha le plus possible en avant afin de mieux
     détailler cette originale décoration. Grossièrement encadré, le tableau
     représentait un bateau de pêche qui s’éloignait d’une immense masse rocheuse
     presque rectangulaire. Curieusement, ce rocher avait un trou à sa droite qui
     formait presque une arche. Mais là n’était pas le plus étrange. L’auteur, qui
     signait sa toile du nom de Beth H., avait créé son œuvre à l’aide d’une
     multitude de pierres striées de couleurs, collées ensemble. C’était
     magnifique.
    — Ce sont des agates.
    Pierre eut un sursaut. Il n’avait pas entendu l’homme arriver.
    Coiffé d’une casquette de pêcheur, habillé de pantalons à bretelles comme à
     l’ancienne, il était âgé et parlait avec un léger accent.
    — Que… quoi ? dit Pierre, dérouté.
    — Le tableau, reprit l’homme, le tableau est fait avec des agates. Ce sont des
     roches semi-précieuses.
    — C’est ben beau, dit Pierre.
    — Qu’est-ce que je te sers, jeune moussaillon ?
    Il hésita. Il préférait attendre les autres. Il n’aurait pris qu’un verre d’eau
     si cela avait été possible. Il regarda l’horloge. Cinq heures moins vingt.
    — Ben…
    — Je fais pas la charité dans mon bar. Tu payes et tu bois ou tu détales.
    Tout à coup, une vague de bruit se fit entendre à l’extérieur, comme un
     grondement.
    — Mais qu’est-ce qui se passe dehors ?
    Le propriétaire du pub sortit sur le pas de la porte, suivi de Pierre. Tout le
     monde se précipitait dans les rues. Les navires du port se mirent à faire crier
     leur sirène : trois petits et un grand coup. Les automobiles klaxonnaient, les
     gens hurlaient de joie, se jetaient dans les bras les uns des autres. Trois
     petits et un grand coup... Pierre comprit : c’était le cri de la victoire.

Été 1948

    — M
aman, ça va faire trois ans que la guerre est
     finie ! Vous aviez promis.
    Avec colère, Yvette jeta dans la casserole la dernière fève qu’elle venait
     d’écosser. Yvette détestait ces interminables journées de mise en conserve. À
     chaque fin d’été, c’étaient les mêmes corvées. Laver, peler, couper, canner,
     ranger dans la réserve les pots bien étiquetés afin de se garantir un hiver où
     on ne mourrait pas de faim. Julianna soupira et termina de blanchir les
     carottes. Au-dessus de l’eau bouillante, en sueur, elle brassa légèrement les
     légumes. Que pouvait-elle répondre à sa fille ? C’est vrai qu’elle avait promis.
     Elle ne pouvait plus vraiment trouver d’autre argument contre son départ pour
     Montréal.
    — En premier, j’étais trop jeune, reprit Yvette en se levant de sa chaise.
     Après, c’était la guerre…
    — Tu pouvais toujours ben pas faire un voyage dans ces années de privation !
     l’interrompit sa mère.
    — Peut-être bien, mais y avait plus de raison quand la paix est revenue.
    — Ah non ? Pis ta cousine Hélène qui a été ben malade ? Une épidémie de polio,
     c’était grave, Yvette ! On n’était toujours ben pas pour t’envoyer attraper
     cette cochonnerie-là. Hélène est restée avec une jambe boiteuse.
    — La polio, la paralysie infantile, la tuberculose, à vous entendre, Montréal a
     toutes

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