Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
coulisse, une matrone lui gueulait comment exercer le
     métier d’effeuilleuse.
    — La Sainte Nitouche ! si tu crois que tu vas attirer les hommes avec tes bras
     maigres. Montre tes charmes, fais-les bouger. Les hommes aiment quand ça
     bouge !
    Et la grosse femme riait tandis que la timide stripteaseuse aspirante se
     déhanchait maladroitement. Obéissante, la jeune campagnarde fit aller ses
     épaules nues d’avant en arrière en un mouvement si provocant que Pierre cessa de
     respirer un moment.
    — Allez la petite, va dans le milieu, sous la lumière, cria la matrone.
    La femme alla se placer au centre de la scène à côté d’une chaise. Pourquoi une
     chaise ? Pour qu’elle se repose ? La femme leva une jambe et déposa son pied
     chaussé de talons hauts sur le siège.Non, ça ne se pouvait pas,
     ce n’était pas normal... Il jeta un coup d’œil à ses voisins. Ils affichaient
     tous le même genre d’air extatique, les yeux exorbités, la main dans le
     pantalon, ils se délectaient de la vision de l’entrejambe. Malgré lui, Pierre
     reporta son attention à l’effeuilleuse. Il avait chaud, très chaud. En se
     penchant, elle détacha un genre de crochet dont Pierre ignorait l’existence.
     Lentement, en partant du haut de sa cuisse, elle roula le bas, dévoilant pouce
     par pouce une peau nacrée… La main de Pierre alla imiter celles des autres
     matelots.

    Les gars n’attendirent pas tout à fait la fin de la séance pour se lever en
     chœur et forcer Pierre à les suivre à l’extérieur. Ils ne voulaient pas perdre
     de temps. Ils déambulèrent vers une rue d’un quartier aux allures délabrées.
     C’était le début de septembre et la température de cette fin d’après-midi était
     frisquette. Malgré cela, plusieurs filles prenaient l’air sur le trottoir, à
     peine vêtues. Elles étaient outrageusement maquillées, ce qui donnait aux
     sourires qu’elles offraient une allure presque repoussante. Il y en eut même une
     qui l’accosta en le traitant de beau roux. Gêné, Pierre rougit et baissa les
     yeux sur le bout de ses souliers. Mal à l’aise, il ne comprenait pas l’attitude
     de ces pauvresses. Leur poitrine était dévoilée et s’offrait sans pudeur. On
     aurait dit qu’elles vendaient deux fruits mûrs sur un étal de tissu aux couleurs
     vibrantes. D’un geste sans commune mesure, un de ses compagnons alla tâter un de
     ces fruits. La fille lui donna une petite tape amicale sur la main. Elle voulait
     voir la couleur de l’argent du client avant... Pierre comprit lorsqu’en
     ricanant, le marin sortit ses sous et les gardant à la main, suivit la vendeuse
     de charmes à l’intérieur d’une maison, la main libre posée sur le postérieur de
     la femme. Celle qui aimait les beaux roux revint à la charge.
    — Alors, l’Irlandais, t’as un peu d’argent toé itou ? Viens
     avec moé, tu t’ennuieras pas, mon joli.
    Devant l’air effaré de Pierre, la prostituée ricana.
    — Aie pas peur, mon beau roux, même si moé, c’est vrai que je vas te manger,
     petit chaperon rouge...
    Ah non ! là c’était trop, se dit Pierre en reculant devant l’offre évidente de
     la femme, une femme de mauvaise vie, une putain, une fille de joie ! Se toucher
     à la noirceur d’une salle de cinéma, cela passait encore, mais suivre cette...
     cette... non, pas pour lui !
    — Je... j’ai pas le temps, j’ai ma tante à aller voir, les gars...
    Les autres rigolèrent devant son excuse, mais ils étaient bien trop occupés à
     choisir leur dessert pour se soucier du départ de Pierre.
    — Rendez-vous au Patro dans une heure, lui dit Francis.
    —  Le Patro  ?
    — Un bar près du port, tu nous payes la bière, tu le savais pas ?
    — Pourquoi je vous paierais la bière ?
    — Parce que t’es le seul qui va y rester quelque chose !
    — Ouais, on verra, dit Pierre avec un petit salut.
    À son retour, les gars n’avaient pas posé de question. Ils savaient bien que
     Pierre était allé rendre visite à sa parenté de Montréal. Sa tante Marie-Ange
     l’accueillait toujours avec de grandes effusions. Mais Pierre ne s’attardait
     jamais longtemps. Sa cousine Hélène le regardait timidement, ne comprenant pas
     trop, à sept ans, toute cette histoire de héros la sauvant des flammes dont on
     entourait cet étranger. Pierre décida de ne pas se rendre chez sa tante et alla
     flâner vers le port. Il allait beaucoup mieux

Weitere Kostenlose Bücher