Les porteuses d'espoir
manqué de
break ! Léo était ben prudent dans sa voiturette. Il était sur le côté du chemin
comme je lui avais montré pis Baveux savait ce qu’il faisait !
— Baveux, c’était rien qu’un chien. Tu confies pas la vie d’un enfant sourd à
un chien.
— Au moins, Léo pouvait un peu sortir de tes jupes ! Tu vas le rendre fou à le
garder enfermé dans la cuisine. Il a pas le droit de dépasser la galerie !
— Si t’as une meilleure idée, vas-y, je t’écoute.
Devant l’agitation de ses parents, Léo se mit à crier.
François-Xavier alla prendre sa boîte à tabac.
— Ah non ! tu vas me faire des graines partout !
— Julianna, laisse-moi fumer ma pipe tranquille.
— Je t’empêche pas de boucaner, je te demande juste de faire attention à mon
ménage. Ce serait plaisant que ça dure plus que deux minutes pis… Oh chut ! v’là
monsieur le curé.
Elle alla ouvrir la porte.
— Entrez, entrez…
— Julianna, salua le curé Duchaine.
— Bonjour monsieur le curé, dit François-Xavier.
— François-Xavier. Vous vous portez bien ?
— Oui, merci.
— Parce que ça fait longtemps que nous n’avons pas vraiment jasé, tous les
deux.
Le curé fit un sourire à son paroissien.
François-Xavier savait que le curé Duchaine faisait allusion à son manque de
participation à la confesse. Il eut, pour l’homme d’Église, un sourire gêné. Ce
curé était unique. François-Xavier l’aimait bien. Il n’était pas condescendant
ni intransigeant. Il ne se mêlait pas des histoires de leur vie de couple. Il
conseillait, mais ne jugeait jamais.
— Assoyez-vous, monsieur le curé, dit François-Xavier.
— Vous allez devoir changer cette mauvaise habitude, parce que… mon successeur,
je ne suis pas certain qu’il va accepter ces rares visites… en tête à
tête.
Le curé Duchaine n’avait pas cru leur annoncer cette nouvelle de façon si
cavalière, mais il n’avait jamais aimé tourner autour du pot.
— Votre successeur ?
— Oui. Vous savez que je vous considère comme de véritables amis. Je tenais à
ce que vous soyez les premiers à l’apprendre.
— Vous quittez Saint-Ambroise ? Vous n’étiez pas bien ici ? demanda Julianna,
chagrinée par la nouvelle.
— Oh ! ce n’est pas ma décision, Julianna. À vous deux, je peux bien le dire,
vous comprendrez, mais il y a longtemps que mes supérieurs trouvaient que
j’étais un peu trop… libéral à leur goût. J’ai refusé de prêcher que le ciel est
bleu et l’enfer est rouge aux élections de juillet dernier. Duplessis a le bras
long, même dans nos paroisses reculées.
— Surtout dans nos paroisses reculées, surenchérit François-Xavier.
— Nous sommes une région fière et orgueilleuse, ajouta le curé. Nous avons eu
notre propre drapeau régional, dix ans avant que le nouveau fleurdelisé ne
flotte, cet hiver, au-dessus du parlement. Je crois que cet orgueil déplaît
légèrement. De plus, je crois au temps qui change, qu’il faut avancer ; je
n’aime pas certains édits que je trouve trop… castrants. Alors, on me
punit.
— On vous punit !
— Façon de parler, ma chère Julianna. Disons qu’on me retire le privilège de
prêcher. Je serai simple vicaire dans un couvent de Québec.
— C’est ben plate ! dit Julianna.
— Ce n’est pas pour me plaindre que je suis venu, même si jesais que… mes états d’âme resteront entre nous.
Le curé lança un regard à Léo, qui s’était calmé depuis l’arrivée du
curé.
— Vous êtes une famille bien éprouvée… J’ai demandé à mon collègue de Jonquière
de veiller sur monsieur Gagné.
— Sur Georges ! Pourquoi, est-ce que mon frère est malade ? Vous êtes venus
pour m’avertir ?
Julianna s’inquiéta. Depuis plusieurs années, son frère avait coupé les ponts
avec elle et sa famille. Il ne venait même plus à Noël. Occupée comme elle
l’était, elle avait laissé s’agrandir le fossé les séparant. Maintenant, il
était infranchissable.
Le curé se dépêcha de rassurer Julianna.
— Non, je voulais dire que… enfin, après le feu, j’ai toujours offert mon
soutien à Georges. Comme je ne pourrai plus me rendre le voir à l’occasion, mon
collègue de Jonquière a promis de porter une attention particulière à ce pauvre
homme. Une telle tragédie laisse des marques. Le curé de Jonquière m’a même
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