Les porteuses d'espoir
François-Xavier. Quand il va
être un peu plus vieux, je vas lui montrer à travailler sur la ferme.
À son étonnement, Julianna n’appuya pas ses dires.
— Tu l’as dit tantôt, François-Xavier, que tu ne voulais pas letraîner avec toi, qu’il avait manqué se blesser gravement !
— Mais, plus vieux…
— Il a treize ans !
— Quelle ferme, François-Xavier ? Je croyais que monsieur Dallaire avait vendu
sa terre à un neveu.
— Quoi ? fit Julianna. De quoi vous parlez ?
Le curé se rendit compte de sa bévue.
— Je suis désolé, je croyais que Julianna était au courant.
Devant le regard courroucé de sa femme, François-Xavier essaya de se
défendre.
— Je voulais t’en parler…
— Quand ? La semaine des quatre jeudis ? répliqua Julianna.
— Ben non, mais monsieur Dallaire voulait pas trop que ça se sache tout de
suite pour pas que les étrangers mettent leur nez dans ses affaires.
— Je pensais pas être une étrangère.
— Un homme de l’âge de monsieur Dallaire a parfois des petites manies, dit le
curé. De ce temps-ci, le vieillard pense que tout le monde en veut à son
argent.
— Pis notre maison, on la perd aussi ?
— Julianna, on parlera de tout ça quand monsieur le curé sera reparti.
— Je ne voulais vraiment pas causer d’ennuis…
Pauvre curé Duchaine. Il ne savait plus où se mettre. Il pouvait écouter,
confesser, consoler une femme : il se sentait à l’aise, même devant les larmes ;
mais devant la colère de celles-ci, il aurait été se cacher dans un trou de
souris. Cela lui venait sans doute de son enfance.
— T’étais au courant depuis combien de temps ? revint à la charge Julianna sans
se soucier de la présence du religieux.
Mal à l’aise, le curé se releva.
— Je suis désolé, Julianna, je ne voulais pas… répéta-t-il.
— Non, non, monsieur le curé. Julianna l’aurait appris un jour
ou l’autre.
— Pas grâce à toi si je comprends bien !
— Je vais vous laisser. Le directeur de l’école des sourds attend ma réponse.
Léo commencerait dès la semaine prochaine. Sinon la place va être pour quelqu’un
d’autre. Évidemment, il y a des frais, mais il y a moyen d’arrangements. Je vous
laisse ces papiers. J’y ai noté tous les montants et… enfin, prenez votre
décision, mais je crois vraiment que pour Léo, ce serait une chance
inestimable.
Le curé prit congé sans que Julianna prenne la peine de le saluer.
— Merci monsieur le curé, dit François-Xavier en lui tenant la porte
ouverte.
Le curé Duchaine jeta un regard apeuré vers la pièce qu’il venait de quitter.
Julianna, le visage empreint d’une grande rage, se tenait droite, prête à
l’affrontement.
— Bonne chance François-Xavier, murmura le curé.
— Je pense que je vais avoir bien besoin de vos prières.
Quand François-Xavier revint dans la cuisine, Julianna sortait par la porte
arrière. À pleins poumons, elle cria :
— Chapeau ! Chapeau, viens ici tout de suite !
L’Amérindien n’était jamais bien loin et accourait accéder au moindre désir de
Julianna. Il dormait en bas, au pied des escaliers, sur le banc du quêteux, et
partageait quelquefois les repas avec eux. Il avait son indépendance. Il était
libre de partir s’il le désirait et parfois, il disparaissait pendant plusieurs
semaines. Mais un matin, on le voyait se mettre le nez à une fenêtre ou se tenir
devant la porte, son chapeau sur la tête et son grand sourire aux lèvres. Il
était devenu un bel adolescent. Dans le village, on s’étaithabitué à sa présence. Il y avait bien quelques enfants qui lui lançaient des
roches parfois, criant qu’ils allaient se faire scalper, mais c’était plus par
jeu qu’autre chose. De toute façon, cela ne semblait pas affecter Chapeau. À
quelques reprises, celui-ci s’était rendu à l’église avec eux, mais il avait
toujours refusé d’y entrer. Quand Chapeau répondit à l’appel de Julianna,
celle-ci lui demanda d’emmener Léo à l’extérieur rejoindre les autres et de les
surveiller. Elle referma soigneusement la porte et se tourna vers son
mari.
— Julianna, j’m’en allais t’en parler à soir. J’attendais le bon moment.
Elle ne répondit rien. Elle alla s’asseoir à la table et examina les papiers du
curé.
— Julianna, je voulais pas t’inquiéter pour rien avant que tout ça soit
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