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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Castagnos, elle s’était retrouvée seule avec son fils et avait subi la dure loi des pontons sur l’ Intrépide  puis la déportation à Cabrera.
    Elle était de belle taille, avec un corps qu’on pouvait qualifier d’« élancé » pour éviter de dire maigre, un visage un peu hommasse mais au sourire avenant, et une chevelure qui lui descendait à la ceinture. Elle figurait, au catalogue des tenues insulaires, dans la catégorie des  entièrement nus , qui voisinait avec celles des  demi - nus  et des gens comme nous, qui se seraient revêtus de verdure, tels les Adam et Eve des peintures, plutôt que d’exposer leur nudité. S’en dire outré serait absurde : il semblait que notre vivandière n’eût jamais porté le moindre vêtement, sauf peut-être à la mauvaise saison.
    Dans les semaines et les mois qui suivirent, j’allais avoir à diverses reprises l’occasion de la trouver sur mon chemin, toujours accompagnée de son âne et de son fils.
    Cet aimable animal, qu’on appelait Robinson, était le seul quadrupède que l’on aurait pu trouver dans l’île, hormis les chiens du gouverneur, qu’on ne voyait jamais. On utilisait ses services pour le transport des rations de survie aux malades qui refusaient de quitter leur cabane ou leur grotte. Madame Daniel l’avait trouvé sur place en arrivant et adopté. Robinson était docile, ne répugnait pas à s’amuser et accourait à la voix.
    Auguste se fit un ami du géomètre Louis-François Gille, qui avait eu l’honneur de côtoyer l’Empereur le temps d’examiner la configuration du terrain avant une bataille. Il en gardait un souvenir ébloui et nous en parlait sans que nous nous lassions de l’entendre. En pleine possession de ses talents, il avait décidé de les exercer sur place.
    « Ce caillou, disait-il, n’a d’autre intérêt pour moi que de me faire échapper à l’ennui par le travail. »
    J’admirais son ardente volonté de survivre à nos épreuves, son aptitude à les vaincre ou à les atténuer par la dérision, au risque d’y paraître insensible. Il était de nature vive, spirituelle et passionnée, du moins pour sa vocation.
    Malgré la canicule, je passais des heures en sa compagnie pour l’aider à effectuer des relevés topographiques. Il m’informa que le sommet de l’île, le mont Brujula, passait péniblement les mille mètres, et qu’il ne serait jamais couronné de neige. Il avait toujours, attachée à une planchette, une carte ancienne découverte à l’amirauté, qu’il prenait soin de rectifier à l’occasion.
    Auguste Murel avait un autre genre de passion, qu’il exerçait parfois conjointement avec Gille : la botanique. Il s’était confectionné un herbier d’une flore sauvage qui, à peu de détails près, devait être identique à celle de la Corse. Il rêvait de découvrir une plante rarissime, une variété de chardon dont il avait appris l’existence je ne sais comment et qu’il avait décidé d’appeler  Carlina murellensis , mais il ne put prouver son existence, du moins à Cabrera. À chacun son rêve.
    « De retour en France, disait-il, je ferai part de mes travaux à l’Institut. J’aurai mon nom dans les dictionnaires et les publications savantes, et peut-être une médaille… »
    En attendant la gloire, il recensait rigoureusement la faune banale : thym, ciste, lentisque, fougères, cactées, et pensait, son répertoire clos, s’intéresser à la faune.
    « Elle est, soupirait-il, d’une grande pauvreté. Où sont les chèvres, les chats sauvages, les lapins et les oiseaux qui, dit-on, abondaient jadis ? Cette île devait être un paradis au temps d’Homère, et voyez ce qu’on en a fait ! »
    Il avait tenté, mais en vain, d’entrer en contact avec les pêcheurs pour recenser la faune marine. Les seuls noms qu’il avait recueillis n’étaient que la transcription en patois majorquin de l’appellation savante. Il en allait de même des oiseaux de mer, pour l’inventaire desquels il n’eut guère plus de succès.
    Nombreuses sur l’îlot, les cavités souterraines intéressaient mes deux amis.
    L’une d’elles, la cova del Amich, constitue, par son ampleur et la qualité de ses concrétions, une curiosité, avec ses gouffres vertigineux, ses multiples ramifications et, à foison, stalactites et stalagmites.
    Une autre grotte fut classée par

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