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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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écrasent leur proie sous leur poids. Comme ils sont dotés d’un instinct grégaire, lorsque l’un d’eux arrive près de vous, il est toujours suivi de l’essaim tout entier.
    — Mais non, ce sont des boulets de canon, mon capitaine.
    — C’est une autre façon de voir les choses.
    L’attente se prolongeait. Certains commençaient à espérer que la bataille les oublierait. Margont parcourait des yeux le champ de bataille. Au sommet des collines et sur leurs pentes, dans les moindres vallons et ravins, dans les plaines et même dans les ruisseaux : partout, aussi loin que portait son regard, il apercevait des masses de soldats. Il n’en avait jamais vu autant. Il y avait des lignes montant à l’assaut, battant en retraite ou se tenant immobiles, des carrés, des colonnes denses ou tronçonnées, des multitudes éparpillées, des groupes fluctuants, des isolés, des égarés, des retranchés, des cavaliers tourbillonnant ou chargeant en bloc... Des volutes de fumée blanche indiquaient où l’on tirait et où l’on canonnait. Des zones entières disparaissaient dans ces nuages cotonneux qui s’élevaient ensuite lentement pour emplir le ciel. Du haut de sa colline, la Grande Redoute était dissimulée par la fumée de ses tirs d’artillerie. On avait l’impression de contempler un volcan en éruption. Saber s’approcha de Margont.
    — Le prince Eugène a pris le village de Borodino. Mais ça n’est sûrement qu’une attaque de diversion. L’Empereur va tenter d’enfoncer la gauche russe. Pour cela, il faut impérativement prendre la Grande Redoute, autrement nos troupes seraient écrasées par ses canons et lui prêteraient le flanc.
    Margont avait compris que l’on avait investi Borodino. Pour le reste, il faisait confiance à son ami. Saber souriait. Il avait une bonne nouvelle à annoncer.
    — La Grande Redoute va être pour nous.
    L’artillerie française pilonnait la Grande Redoute et les Trois Flèches. À gauche, Eugène s’était effectivement emparé du village de Borodino, mais sa progression avait été stoppée. À droite, les Trois Flèches étaient déjà tombées – elles avaient en fait été prises, perdues et reprises. Les troupes de Ney, de Davout, de Murat et de Nansouty tentaient de faire leur jonction avec les Polonais de Poniatowski qui arrivaient par l’extrême droite. Mais, depuis le village de Semenovskoïe, situé au sommet d’une colline, les Russes dominaient ces Français victorieux et les écrasaient sous un déluge de boulets, d’obus, de mitraille et de balles. Murat et La Tour Maubourg les attaquèrent avec de la cavalerie lourde, les cuirassiers et les gardes du corps saxons et les cuirassiers westphaliens et polonais, mais furent contre-attaqués par une marée de cuirassiers russes. La division Friant profita de l’élan de la charge alliée pour se ruer à l’assaut des maisons. La confusion et le carnage étaient à leur comble.
    Et pendant ce temps, au 13 e léger, on mâchouillait des brins d’herbe en faisant le pied de grue. Des aides de camp et des officiers d’ordonnance arrivaient au galop, faisaient effectuer un ou deux tours sur eux-mêmes à leurs chevaux pour les calmer, tendaient une missive et repartaient aussitôt. Depuis un moment, ils se montraient de plus en plus nombreux et de plus en plus pressés.
    — La Redoute ! La Redoute ! La Redoute ! se mit à scander Saber.
    Sa compagnie l’imita. Un caporal superstitieux, terrorisé par cette idée et ulcéré que personne ne prête attention à ses suppliques, brandit sa crosse pour fracasser le crâne de Saber. Ce dernier n’avait rien remarqué, car il ne voyait déjà plus que « sa » Redoute. Margont saisit l’homme par la manche.
    — Il n’est pas russe celui-là. Contrôle-toi.
    Le général Morand et son état-major passèrent au galop devant le 13 e léger. Quelques instants plus tard, vers dix heures du matin, l’ordre fut donné d’enlever la Grande Redoute. La division Morand se mit en marche. Seuls le 30 e de ligne et un bataillon du 13 e léger allaient assaillir la Grande Redoute elle-même. Les autres régiments avaient pour mission d’affronter les troupes russes disposées aux alentours.
    L’infanterie progressait dans un alignement parfait alors que la Grande Redoute dirigeait maintenant son feu sur elle. Un bourdonnement qui virait au sifflement, un sifflement allant crescendo, une brèche dans la ligne. Un autre sifflement, un autre vide

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