Les quatre livres des stratagèmes
anfractuosités de rochers, il voulut provoquer l’ennemi en
envoyant des troupes occuper une éminence voisine. Minutius sortit
de ses retranchements pour les charger ; alors, celles qui
avaient été embusquées par Hannibal, s’élançant tout à coup,
auraient détruit l’armée de Minutius, si Fabius, qui s’était aperçu
du danger, ne fût arrivé à son secours [71] .
23 Hannibal, étant campé près de la
Trebia, qui séparait son camp de celui du consul Sempronius Longus,
mit en embuscade Magon, avec des troupes d’élite, par un froid très
vif ; puis, afin d’attirer au combat le confiant Sempronius,
il envoya des cavaliers numides voltiger près du camp romain, avec
ordre de lâcher pied dès notre première charge, et de revenir par
des gués qu’ils connaissaient. Le consul s’élança témérairement à
leur poursuite ; et ses soldats, encore à jeun, furent, dans
cette saison rigoureuse, saisis par le froid en passant la rivière.
Bientôt, quand ils furent engourdis, et épuisés de faim, Hannibal
dirigea sur eux ses troupes, qui avaient pris à dessein leur repas,
et s’étaient frottées d’huile auprès du feu. Magon, de son côté,
fidèle aux ordres qu’il avait reçus, prit les ennemis en queue et
en fit un grand carnage.
24 [72] Comme le
lac de Thrasymène était séparé du pied d’une montagne par un chemin
étroit qui conduisait dans le plat pays, Hannibal, simulant une
retraite, franchit le passage et alla camper dans cette
plaine ; ensuite il embusqua des troupes, pendant la nuit, sur
une colline qui dominait le défilé, et sur les côtés du
chemin ; et, au point du jour, profitant d’un brouillard qui
le cachait, il rangea en bataille le reste de son armée. Flaminius,
qui croyait l’ennemi en fuite, se mit à le poursuivre, s’engagea
dans le défilé, et n’aperçut le piège qu’au moment où, attaqué à la
fois de front, en flanc et par derrière, il périt avec toute son
armée.
25 Le même Hannibal, ayant en tête le
dictateur Junius, donna l’ordre à six cents cavaliers de se
partager en plusieurs petites troupes, et d’aller, à la faveur de
la nuit, alternativement et sans interruption, se présenter autour
du camp de l’ennemi. Ainsi harcelés pendant la nuit entière, les
Romains gardèrent leurs retranchements sans quitter leurs armes,
battus par une pluie continuelle ; et quand, accablés de
fatigue, ils eurent reçu de Junius l’ordre de se retirer, Hannibal,
sortant de son camp avec des troupes fraîches, s’empara de celui du
dictateur.
26 Un semblable artifice réussit à
Épaminondas, général thébain, contre les Lacédémoniens, qui avaient
creusé des fossés à l’isthme de Corinthe, pour défendre l’entrée du
Péloponnèse. Pendant toute la nuit il inquiéta l’ennemi avec
quelques troupes légères, qu’il rappela vers la pointe du
jour ; et, quand les Lacédémoniens se furent aussi retirés, il
fit soudainement avancer toute son armée, qui avait pris du repos,
et fit irruption par les fossés mêmes, restés sans défense.
27 Hannibal, ayant rangé son armée en
bataille près de Cannes, fit passer du côté des Romains six cents
cavaliers numides, qui, pour inspirer moins de méfiance, livrèrent
leurs épées et leurs boucliers. Ils furent placés à la dernière
ligne de l’armée ; mais, aussitôt que l’action fut engagée,
ils tirèrent des épées courtes, qu’ils avaient cachées sous leurs
cuirasses, prirent les boucliers des morts, et tombèrent sur
l’armée romaine.
28 Les Iapydes envoyèrent de même au
proconsul P. Licinius des paysans qui feignirent de se rendre à
lui. Ayant été reçus, et placés vers les derniers rangs, ils
chargèrent en queue les Romains.
29 Scipion l’Africain, ayant devant lui
deux camps ennemis, celui de Syphax et celui des Carthaginois,
résolut d’attaquer pendant la nuit le premier, qui contenait
beaucoup de matières combustibles, et d’y mettre le feu, dans le
but de tailler en pièces les Numides à mesure que l’épouvante les
ferait sortir de leur camp, et d’amener en même temps dans une
embuscade disposée à cet effet, les Carthaginois, qui ne
manqueraient pas d’accourir au secours de leurs alliés. Un double
succès couronna son entreprise.
30 Mithridate, dont le talent de Lucullus
avait souvent triomphé, voulut se défaire de celui-ci par trahison,
en subornant un certain Adathante, homme d’une force
extraordinaire, qui, passant comme
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