Les Rapines Du Duc De Guise
tout ceci vient de vous.
— Il voudra se venger…
— C’est là qu’il vous faudra être adroite.
Il ne faut pas qu’il se venge, mais seulement qu’il obtienne de M. Salvancy
les quittances, et qu’il vous les remette.
— Mais comment ? sourit Cassandre, incrédule.
— Ce sera à vous d’inventer, répliqua
Limeuil avec un geste d’indifférence. Vous avez ce qu’il faut pour émouvoir un
jolet et qu’il s’amourache de vous, ajouta-t-elle en l’examinant de haut en bas.
Cassandre se mordilla les lèvres, ne se
sentant guère capable de jouer un tel jeu.
— C’est un plan malaisé que vous me
proposez, madame. Je ne suis ni assez comédienne ni assez perfide pour tromper
ce jeune homme longtemps. Je me trahirai et ce sera moi qu’il suspectera, et
non Salvancy.
— Mais j’y compte bien ! sourit
Limeuil en lui prenant affectueusement les mains. Vous allez lui mentir, et
comme vous n’êtes guère adroite, vous allez être soupçonnée, et confrontée à
vos mensonges, certainement démasquée.
Cassandre la considéra dans un mélange de
crainte et de stupéfaction.
— Je le sais, j’ai connu ça, poursuivit Mme Sardini
dans une sorte d’insouciance jubilatoire. Aussi, une fois confondue, vous
avouerez votre faute, comme le ferait une honnête femme. Vous direz toute la
vérité…
— Toute la vérité ? balbutia
Cassandre.
L’autre haussa les épaules, finalement agacée devant
tant de candeur.
— Non, bien sûr ! Simplement vous
raconterez une autre fable, mais celle-là sera présentée comme étant la vérité.
À ce moment-là, on vous croira.
Elle lui expliqua alors en quoi consisteraient
ses menteries et le rôle qu’elle devrait tenir. Un rôle qui ne mettrait pas en
danger sa vertu.
— C’est bien retors, madame, fit
Cassandre après un long moment de silence.
— Oui, mademoiselle, mais c’est le monde
dans lequel on vit qui est méchant.
16.
Le duc de Mayenne s’était donc rendu chez le
marquis d’O avant de partir pour Joinville. Il était tôt et Dimitri avait dû
réveiller son maître qui avait passé la soirée à jouer chez M. de Villequier.
Mayenne avait tracé à François d’O les grandes lignes de l’offensive que le duc
de Guise allait lancer au printemps. La plupart des villes basculeraient du
côté de la Ligue, lui avait-il assuré. Quant à lui, il devrait remettre le
château de Caen au duc d’Elbeuf.
O avait acquiescé, mais avait aussitôt prévenu
M. de Villequier qu’il avait besoin de voir le roi. La rencontre
avait eu lieu quelques jours plus tard, chez le gouverneur de Paris ; Henri III,
qui recevait les députés de Flandre venus lui demander sa protection contre l’Espagne,
n’avait pu se libérer plus tôt.
En racontant la discrète visite de Mayenne, François
d’O avait déridé Henri III. Le roi avait déclaré avec un brin de mépris
que les Guise agissaient comme des renards dans les poulaillers et qu’il n’avait
pas peur d’eux. Il avait ses troupes de Suisses, ses gentilshommes et ses
sujets fidèles.
— Je connais bien mon cousin Guise, avait-il
conclu. Jamais il n’osera utiliser la force contre moi. Il ne brigue que la
place de M. d’Épernon, même si sa sœur, Mme de Montpensier, agite
trop les curés à mon gré. Quant à cette union de bourgeois qui devient
insolente, j’y mettrai bon ordre. Pour l’instant, je suis plus soucieux de mes
problèmes d’argent, où en es-tu ?
O avait alors complimenté le roi pour son
intuition. Il y avait bien un rapinage des impôts et l’argent volé à la
couronne était versé à Guise. Un contrôleur des tailles à son service vérifiait
les registres et parviendrait à identifier les coupables, mais c’était un
travail colossal qui allait prendre du temps.
Le roi avait paru contrarié que les choses ne
puissent aller plus vite. Quant à O, il avait eu la pénible impression qu’Henri
refusait de voir les périls qui s’annonçaient. Il avait donc demandé son congé
pour rentrer à Caen, car il voulait préparer la défense du château si Elbeuf
tentait de s’en emparer par la force. De mauvaise grâce, le roi avait accepté
et ils s’étaient quittés tous deux malcontents.
Après le départ d’Henri III, Villequier
avait donné à son gendre des explications sur l’attitude de leur monarque.
— Trop des proches de Sa Majesté se sont
donnés à la Ligue et cherchent à l’égarer, mon ami. Ainsi
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