Les Rapines Du Duc De Guise
à cacheter.
Elle fit le tour des objets décoratifs. Ce fut
rapide, car il n’y avait presque rien sinon quelques pots émaillés et un grand
plat rempli de pruneaux. M. Salvancy était très méticuleux, ou très
prudent. Elle ouvrit un coffre, puis l’autre. Elle y vit des vêtements, un
pistolet, une dague, mais aucun papier.
Un coffre de fer se trouvait dans l’embrasure
d’une des fenêtres. Elle tenta de l’ouvrir mais la serrure était solidement
fermée. Isabeau lui avait expliqué comment forcer les serrures en utilisant un
petit crochet de fer qu’elle lui avait donné, mais elle s’en sentit incapable.
Tout ça pour rien ! songea-t-elle avec
dépit.
Elle revint à la crédence sur laquelle se
trouvaient le nécessaire à cacheter et le sceau de Salvancy. Une idée lui vint :
elle prit un morceau de cire et approcha le sceau des braises du feu qui se
consumaient dans la cheminée. Lorsqu’elle jugea que le cachet de métal était
assez chaud, elle l’enfonça dans le bloc de cire avant de le reposer à sa place.
À cet instant, elle entendit la poignée de la porte bouger et revint s’asseoir
précipitamment sur le lit, cachant la cire chaude dans sa main.
— Mademoiselle, vous êtes remise ! fit
Salvancy, soulagé, tant il avait été contrarié de l’avoir laissée dans la pièce
où se trouvaient ses affaires personnelles.
— Je crois que j’ai eu un étourdissement,
murmura-t-elle, cela m’arrive. Pouvez-vous me laisser une seconde ? Je
dois être affreuse et il y a là un miroir…
Elle désigna la glace au cadre de noyer
formant un luxurieux feuillage. Le receveur des tailles hocha du chef et
ressortit tout en laissant la porte entrouverte.
Elle resta quelques secondes assise, indécise,
essayant de se souvenir de tout ce que lui avait appris Mme Sardini. Beaucoup
de gens cachaient des choses sous leur matelas, lui avait-elle dit. Elle glissa
la main. Par la porte, elle entendait les paroles des invités mais personne ne
la voyait. Sa main tâtonna rapidement sous le matelas et elle sentit un objet
dur. Une clef. Elle la tira et la glissa dans un pli de sa robe, puis se leva
et se dirigea vers le miroir.
En marchant, elle dénoua son aumônière de soie
et y fit tomber la clef et le morceau de cire. Comme l’aumônière était déformée
par le poids de la clef, elle la dissimula sous son manteau, qu’on lui avait
laissé sur les épaules.
Lorsqu’elle revint dans la chambre de Mme Salvancy,
elle n’eut aucune peine à la convaincre qu’elle souhaitait rentrer chez son
oncle pour se reposer. Ce n’est que dans la rue, suffisamment éloignée de la
maison, qu’elle ouvrit l’aumônière et examina la clef.
Ce n’était pas une clef ordinaire. Au bout de
la tige, les dents formaient une sorte de peigne très compliqué. À l’autre
extrémité, la partie qui forme généralement un anneau était constituée de deux
lettres ciselées entrelacées formant une sorte de monogramme. Un H et un V.
C’était sans doute la clef d’entrée d’une
maison. Mais pourquoi Salvancy la cachait-il sous son lit ? Elle songea
immédiatement à une maîtresse. Le monogramme permettrait peut-être de l’identifier.
Cette clef pourrait bien être utile, se
dit-elle sans savoir exactement comment elle pourrait en faire usage.
En arrivant à la maison des Sardini, elle
monta immédiatement dans la chambre d’Isabeau et, après lui avoir raconté l’échec
de son entreprise, lui montra la clef, suggérant qu’il s’agissait peut-être d’une
courtisane.
— H et un V ? Les initiales d’un nom
et d’un prénom ? Henriette, peut-être ? Mais V ? Non, cela ne me
dit rien, fit Isabeau de Limeuil en plissant le front de perplexité. Il y
aurait un J comme Jehan, cela aurait pu être les initiales des prénoms de deux
amants, mais ce n’est pas le cas. Ces lettres entrelacées me font plutôt penser
à un monogramme, ou à la réunion d’initiales d’une famille. Ce ne sont pas des
armes nobles, je les connaîtrais, ce serait plutôt la marque d’une famille
bourgeoise. Allons interroger les clercs de la banque, ils voient passer
beaucoup de documents signés avec de tels monogrammes…
Les clercs travaillaient par tables de quatre
dans une longue salle du deuxième étage, sous la direction de Martial Vivepreux,
l’homme qu’ils avaient vu avec Mme Sardini, le jour de leur arrivée et qui
était voisin de Cassandre le jour du souper de la
Weitere Kostenlose Bücher