Les Rapines Du Duc De Guise
Sainte-Isabelle.
Mme Sardini se dirigea directement vers
lui et lui montra la clef en l’interrogeant. Plusieurs commis, profitant de l’intervention,
avaient levé la tête de leur travail pour écouter.
Curieusement, M. Vivepreux parut
embarrassé. Il retourna plusieurs fois la clef entre ses doigts avant de dire :
— Je crois que c’est le monogramme de la
famille des Hauteville. H et V : Hauteville. Cette clef a été perdue ici, madame ?
— Qui sont ces gens ? demanda
Isabeau de Limeuil sans répondre à la question du premier commis.
— C’est un contrôleur des tailles, madame.
— Savez-vous où il habite ? demanda
Cassandre.
— Oui, mademoiselle, rue Saint-Martin.
— A-t-il une fille, une épouse ? demanda-t-elle,
jugeant qu’un contrôleur des tailles pouvait bien connaître un receveur général
comme Salvancy.
— Il n’avait qu’un fils, madame.
— Avait ?
— Oui, madame. M. Hauteville est
mort récemment. Il ne reste que son fils unique.
— Un contrôleur des tailles, avez-vous
dit ?
Un souvenir lui revint. Elle se tourna vers Isabeau
de Limeuil :
— Je me rappelle que lors de votre fête, madame,
j’étais à côté de M. Salvancy et il a questionné son voisin au sujet de l’assassinat
d’un contrôleur des tailles. Pourrait-ce être le même ?
Vivepreux déglutit et parut encore plus mal à
l’aise.
— En effet, madame, M. Hauteville a
été assassiné en ce début d’année.
Cassandre le considéra avec une évidente
suspicion. Que signifiait cette étrange attitude ? Pourquoi n’avait-il pas
raconté cela dès leurs premières questions ?
Mme Sardini avait aussi compris que
quelque chose n’allait pas.
— Monsieur Vivepreux, poursuivons cette
discussion avec mon mari, loin d’oreilles indiscrètes, décida-t-elle.
Vivepreux s’inclina et ils quittèrent la salle
des clercs sans échanger un seul mot jusqu’au cabinet de M. Sardini. Celui-ci
était avec un visiteur sur le point de partir et seule Isabeau entra, laissant
Vivepreux et Cassandre dans la galerie. Dès que le visiteur fut sorti, Isabeau
relata l’affaire à son époux et lui donna la clef en lui précisant qu’elle ne
voulait pas que le premier commis sache comment Cassandre se l’était procurée.
Scipion Sardini l’approuva. Comment une clef
appartenant à ce M. Hauteville, assassiné par des inconnus, pouvait-elle
se trouver sous le matelas de Jehan Salvancy ? s’interrogea le banquier. Il
n’y avait guère qu’une explication : Salvancy connaissait les assassins et
c’étaient eux qui lui avaient donné la clef. Peut-être même était-ce lui l’assassin !
Finalement, tout cela n’était pas si étonnant : si Salvancy rapinait les
tailles royales pour le duc de Guise, il était bien normal que les amis du duc
aient fait passer de vie à trépas celui qui aurait pu découvrir la fraude. Sans
doute ce contrôleur des tailles avait-il été trop curieux.
Entre-temps, Isabeau avait fait entrer
Cassandre et le premier commis. Après un assez long silence de réflexion,
M. Sardini s’adressa à Vivepreux.
— Je me souviens de l’assassinat de ce
contrôleur des tailles, on en a beaucoup parlé en janvier. Plusieurs personnes
ont été occises, c’est cela ?
— Oui, monsieur. C’est un sujet que je ne
souhaite guère aborder, car je connaissais personnellement M. Hauteville.
— Expliquez-nous ça, proposa Isabeau, dans
un mélange de raillerie et de méfiance.
— Je suis clerc-notaire et secrétaire du
roi, madame, même si je n’ai plus d’office depuis que je suis entré au service
de votre mari. Lorsque j’étais plus jeune, je travaillais comme notaire à la
grande chancellerie avec M. Hauteville. C’était il y a une vingtaine d’années.
Ensuite, il a acheté une charge de contrôleur des tailles et nous ne nous
sommes plus beaucoup vus, mais nous étions restés amis.
» Les clercs-notaires et secrétaires de
la grande chancellerie peuvent être anoblis au bout de vingt ans et transmettre
leur noblesse à leur postérité, aussi nous nous sommes constitués en
association et je suis resté dans la confrérie qui nous réunissait de temps en
temps. C’est à ces occasions que nous nous rencontrions. Bien que nous n’exercions
plus, M. Hauteville espérait un jour être anobli, surtout pour son fils. Nous
en parlions quand nous nous voyions. En janvier, j’ai appris sa mort ainsi que
celle de la femme avec
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