Les Rapines Du Duc De Guise
connaissait.
Poulain en repartit à la fois troublé et
inquiet. Avant de venir se renseigner, il éprouvait quelques suspicions envers
Cassandre et ce Caudebec, mais maintenant il n’y avait plus de doute. Ces
deux-là avaient menti. Pourquoi cette femme s’était-elle introduite ainsi dans
la maison d’Olivier ? Il aurait compris qu’elle fît partie de ses ennemis,
qu’elle soit chargée de le séduire pour le faire disparaître plus facilement, mais
la façon dont elle s’était battue la veille montrait qu’il n’en était rien.
Elle ne faisait pas partie de la Ligue.
Qui l’envoyait ? Que cherchait-elle ?
Voulait-elle du mal à Olivier ?
Il décida de passer voir son ami pour le
prévenir. Tant pis, si son épouse et ses beaux-parents mangeaient sans lui. Ses
retards, ils y étaient habitués, même le dimanche.
Contrarié, il découvrit Cassandre à table en
compagnie d’Olivier qui lui annonça que la jeune femme, et Caudebec, logeraient
désormais chez lui. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le lieutenant du
prévôt les salua et leur raconta qu’il était allé aux aurores jusqu’à la rue de
la Bûcherie. Là, à l’auberge de la Tête Noire, on lui avait confirmé qu’il
y avait bien un boiteux manchot qui occupait une chambre avec un compagnon. En
se rendant à la chambre, armé, il l’avait trouvée vide. Un valet d’écurie lui
avait déclaré que les deux hommes étaient partis dans la nuit avec leurs
chevaux. Ils n’avaient pu sortir de la ville à ce moment-là puisque les portes
étaient fermées, mais à cette heure, ils devaient être loin.
Nicolas Poulain avait tout de même appris que
le manchot avait un compagnon, et qu’ils avaient présenté un passeport signé
par le chancelier Cheverny au nom de Le Vert. Qui le leur avait donné ? Le
Vert était-il le véritable nom du manchot ? Nouvelles questions… nouveaux
mystères…
Perfidement, Poulain prit ensuite des
nouvelles de la tante de Cassandre. La jeune fille lui confia qu’elle s’inquiétait
beaucoup pour elle. Il prit un air affligé et l’assura de toute sa compassion
avant de les quitter pour se rendre au Fer à Cheval.
À l’auberge, on le connaissait comme
lieutenant du prévôt d’Île-de-France puisqu’il laissait son cheval à l’écurie
depuis des années, aussi personne ne fut réticent à répondre à ses questions
sur Cassandre et Caudebec. Mais en vérité, les servantes et les valets ne
purent lui dire grand-chose, sinon que Mlle Baulieu avait bien un
passeport à ce nom, délivré par la chancellerie, et que le couple dormait dans
des chambres séparées. Ils n’étaient donc pas amants. Que le passeport soit
bien à son nom n’avait aucune importance, les gens de qualité pouvaient
facilement obtenir ce document en blanc.
C’est en interrogeant un jeune garçon d’écurie
qu’il apprit que M. Caudebec lui avait remis un peu plus tôt une lettre à
porter au château de M. le baron de Chaumont, près de Saint-Marcel, sur le
chemin du Fer-à-Moulins.
Scipion Sardini ! Ces deux-là étaient en
relation avec le banquier de Catherine de Médicis ! Quel était ce nouveau
mystère ?
Olivier demanda à
Jacques Le Bègue de monter une table à tréteaux dans sa chambre et d’y placer
tous les documents et registres qu’il avait recopiés. Ils s’y installèrent tous
trois et le jeune Hauteville commença par expliquer à Cassandre les difficultés
du contrôle des registres.
— L’élection de Paris ne comprend ni la
capitale ni ses faubourgs qui ont été exemptés de la taille en 1449, mais il y
a tout de même 450 paroisses regroupées en subdélégations : Brie-Comte-Robert,
Choisy-le-Roi, Corbeil, Enghien, Gonesse, Lagny, Montlhéry, Saint-Germain, Saint-Denis
et Versailles. Pour chaque paroisse, les rôles comprennent parfois des
centaines de noms. Voilà pourquoi il y a tant de registres ! dit-il en
désignant les piles de papiers attachés par des cordons et les sacs de toile
déposés sur le sol.
Il lui détailla ensuite la fonction du bureau
des finances, puis le travail des élus, l’importance des asséeurs et des
collecteurs, et enfin les opérations de contrôles des registres des receveurs, tant
par les élus que par les contrôleurs des finances.
— Mon père m’avait souvent rapporté les
moyens de fraude les plus courants, car il souhaitait que je reprenne sa charge.
Ils consistent en général en une falsification de registres ou
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