Les Rapines Du Duc De Guise
dû se rendre jusqu’à la
porte Saint-Denis, où le clerc ne connaissait personne. Pourtant, après qu’ils
eurent juré être clercs d’un procureur de Rouen, on les avait laissés sortir. Mais,
dans la précipitation du départ, son guide n’avait pas mis ses chaussures et ne
portait que des sortes de pantoufles. Après un temps de réflexion, un garde
avait jugé qu’ils ne pouvaient aller à Rouen ainsi et il avait envoyé des
arquebusiers pour les rattraper.
Alertés par les cris des poursuivants, ils s’étaient
mis à courir et ils avaient attiré l’attention de quelques cabaretiers du
faubourg ainsi que d’ouvriers des plâtrières. Ils avaient été rattrapés et on
les avait traînés vers la rivière pour les noyer. Le clerc – béni soit-il – avait
juré qu’ils n’étaient point huguenots et que leur procureur était connu à Paris,
qu’il pouvait témoigner pour eux.
Par chance, ils n’étaient pas tombés sur de
vulgaires assassins mais sur de vrais catholiques soucieux seulement d’extirper
ce qu’ils condamnaient comme une hérésie. Persuadés qu’un calviniste ne pouvait
connaître les textes saints, ils avaient fait apporter un bréviaire pour voir s’il
entendait le latin. Presque convaincus après la lecture, ils avaient accepté
que le clerc écrive une lettre à son maître. Quelqu’un l’avait portée à Paris
et, ayant obtenu le soir une réponse écrite assurant qu’ils n’étaient ni
rebelles ni séditieux, ils avaient été libérés.
C’est à ce moment qu’il avait appris, avec une
immense tristesse, qu’Henri de Navarre avait abjuré.
Le cœur serré, Philippe de Mornay avait pris à
pied le chemin de Saint-Denis jusqu’à Chantilly.
Là-bas, M. de Montmorency lui avait
donné un cheval pour rentrer chez les siens. Il avait eu du mal à retrouver sa
mère et ses gens qui s’étaient réfugiés dans la maison d’un gentilhomme voisin,
car les massacres avaient gagné les campagnes et toute sa famille s’était
dispersée. Avec Caudebec, ils avaient alors décidé de sortir du royaume. Le
gentilhomme lui avait proposé un passeport signé par M. de Guise qui
leur permettrait de circuler en sécurité mais il l’avait refusé, ne voulant pas
devoir son salut à un criminel.
On leur avait conseillé de partir par Dieppe, où
la fureur des assassins avait été tenue en échec par la volonté du gouverneur, Jean
de Beauxoncles, seigneur de Sigogne, pourtant catholique.
Trois jours plus tard, ils allaient s’embarquer
lorsqu’ils avaient trouvé, errant seule, une petite fille blonde de six ou sept
ans nommée Cassandre. Affamée, amaigrie, elle paraissait perdue, mais ses yeux
étaient vifs et perçants. Sa mère et ses gens avaient tenté de fuir leur
village, dont elle ignorait le nom, mais à Dieppe, ils avaient été pris à
partie par un groupe de massacreurs. Cassandre s’était enfuie et, depuis
plusieurs jours, elle vivait dans la rue, se cachant et volant sa nourriture. Personne
n’avait fait attention à elle tant il y avait de gens qui cherchaient à fuir la
France pour l’Angleterre. Qu’étaient devenus ses parents ? Elle l’ignorait.
Ce devaient être des gens de qualité, car elle portait une robe en taffetas
moiré de valeur. Que deviendrait cette enfant si elle restait seule ? Sans
même chercher à répondre à cette question, Philippe de Mornay avait décidé de
garder la fillette avec lui. Ils avaient embarqué le soir même. En Angleterre, il
avait trouvé une femme pour s’occuper de l’enfant. Le premier soir où celle-ci
avait lavé et couché Cassandre, elle avait découvert que la fillette portait un
médaillon en forme de cœur, en or et émaux, sous sa robe. La fillette ne
voulait pas l’enlever, puis elle avait accepté que M. de Mornay l’examine.
Le bijou, d’un demi-pouce de large, était décoré de lys sur fond bleu. Mornay
en avait déjà vu d’identique à la cour et il savait qu’il y avait un mécanisme.
Sous les yeux effarés de l’enfant, il avait ouvert le médaillon. Mais il n’y
avait pas de secret à l’intérieur. Sur les deux faces internes était écrit en
minuscules caractères, pourtant bien lisibles :
Mon cœur, si jamais vous m’avez fait cet
honneur de m’aimer,
Il faut que vous me le montriez à cette
heure.
Que signifiait cette phrase, et pourquoi cette
décoration de fleur de lys ? La fillette ne le savait pas. Elle avait
toujours porté le bijou en ignorant qu’on
Weitere Kostenlose Bücher