Les Rapines Du Duc De Guise
au
complice de Salvancy qu’il avait identifié, et Nicolas Poulain à tous ceux de
la Ligue qui appartenaient à la chambre des Comptes, à la cour des Aides ou qui
étaient magistrats au Châtelet. Il était évident que l’un d’eux préviendrait le
receveur.
Le lieutenant du prévôt songea alors à
Richelieu. Le Grand prévôt pouvait peut-être organiser une perquisition dans le
plus grand secret. Mais il faudrait être absolument certain de la culpabilité
de Salvancy.
— Si tu me donnes des preuves
irréfutables, dit-il à Olivier, je pourrais peut-être faire quelque chose.
— Même dans ce cas, une opération de
police avec des archers ou des Suisses pourrait échouer, remarqua Cassandre. Cette
semaine, en achetant des provisions aux Grandes Halles, je n’ai entendu que des
gens gronder contre la cour et les mignons. Beaucoup n’attendent qu’une
occasion pour se heurter au roi. Si Salvancy ne se laisse pas arrêter, s’il
ameute la populace, s’il crie que les suppôts d’Hérodes veulent du mal à un
honnête catholique, les soldats qui viendront pour l’arrêter seront balayés par
une émeute.
Poulain hocha la tête pour approuver. Il ne
dit pas que la situation était encore plus grave, et que presque tous les
officiers du Châtelet étaient devenus ligueurs. Il n’y avait guère que les
conseillers et les présidents du parlement à être encore fidèles au roi.
— Il serait bien plus simple de vous
rendre chez Salvancy, de le surprendre, de lui faire rendre gorge, et d’emporter
ces maudites quittances, gronda Caudebec. Ce serait moins de temps perdu, et
vous pourriez toujours le faire pendre après. J’irais bien avec vous, mais il
me connaît…
— Ce n’est pas si simple, remarqua
Poulain, car il doit être bien protégé. Mais c’est en effet une éventualité à
envisager. Laissez-moi un peu de temps pour trouver un moyen d’agir. Et toi, Olivier,
rassemble des preuves nécessaires.
— Je vais dresser une liste de ces
vrais-faux anoblis. La semaine prochaine, je me rendrai chez quelques-uns d’entre
eux. S’il se confirme qu’ils sont toujours roturiers, et qu’ils ont payé leur
taille, je leur demanderai un témoignage écrit. Si j’en ai suffisamment, en les
comparant avec les faux registres certifiés, la félonie de Jehan Salvancy
apparaîtra si clairement qu’il ne pourra échapper au châtiment. L’exécuteur de
la haute justice lui fera bien avouer quelle part il a jouée dans le meurtre de
mon père et de mes gens.
Le soir de ce même
vendredi, le commissaire Louchart vint chercher Nicolas Poulain. Ils se
rendirent ensemble à la maison professe des jésuites, rue Saint-Antoine. En
chemin, Poulain lui expliqua qu’avec l’argent qui lui restait, il avait acheté
quelques morions et épées qu’il avait portés à l’hôtel de Guise. C’étaient en
vérité les armes des truands tués chez Olivier ! Il garderait ainsi une
centaine d’écus dont sa femme ferait bon usage. Elle coudrait des vêtements
chauds pour ses enfants et achèterait peut-être une belle armoire pour leur
linge, chez un artisan menuisier.
Ils arrivèrent parmi les premiers dans la
grande salle sombre où se réunissaient habituellement les pères jésuites. Quelques
prêtres circulaient pour installer des bougies de suif dans des lampes
grillagées mais malgré cela on n’y voyait pas grand-chose. Il n’y avait aucun
feu et l’endroit était glacial et sinistre.
Peu à peu la salle se remplit. Comme toujours,
bien des participants étaient masqués ou tellement enveloppés dans de grands
manteaux qu’on ne pouvait voir leur visage. Malgré cela, Nicolas Poulain reconnut
plusieurs procureurs au Châtelet ainsi que des membres de la chambre des
Comptes dont il avait été jusqu’à présent certain de leur loyalisme.
Comme MM. Hotman, La Chapelle, Le Clerc, Louchart,
et quelques curés, dont le père Boucher, s’installaient sur une estrade, la
salle s’emplit de tellement de monde qu’il ne put plus bouger. Il n’y avait
aucun doute, la Ligue était en passe de devenir une puissance formidable.
Le brouhaha cessa quand Hotman prit la parole.
— Mes amis, notre société s’est étendue
avec une rapidité et une vigueur qui nous enflamment et qui prouvent que Dieu
est à nos côtés.
À ces mots, les cris : « Vive la
messe ! » et « Mort aux hérétiques ! » fusèrent.
— Il y a quelques jours, j’ai rencontré M. de Mayenne
en son hôtel
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