Les Rapines Du Duc De Guise
que
la jeune femme venait de dire, tout s’éclairait à peu près. Il passa en revue
ce qu’il savait déjà afin de distinguer un mensonge dans son discours, mais il
ne trouva rien. Il paraissait en effet probable que le banquier ait été inquiet
à l’idée que l’on découvre qu’il recevait en dépôt de l’argent volé au roi. Il
pouvait non seulement perdre sa fortune dans cette affaire, mais finir sur le
gibet.
— Vous seriez donc la nièce de M. Sardini ?
— Oui, monsieur, je suis la fille de son
frère qui est banquier à Lucques.
Nicolas hocha de la tête.
— Ce serait donc M. Salvancy qui
aurait organisé cette fraude, et qui aurait tué ton père ? demanda-t-il à
Olivier.
— Lui, ou quelqu’un qui lui est proche, répondit
évasivement Olivier. Mais en tant que receveur général, il est certainement au
cœur de la fraude. Je peux aussi t’expliquer comment il s’y est pris. Je n’ai
pas encore toutes les preuves, mais des indices suffisants.
Il lui détailla ce qu’il avait découvert sur
les fausses lettres d’anoblissement qui permettraient aux receveurs d’encaisser
des tailles qui n’apparaîtraient pas dans les rôles.
— La seule chose que je ne sais pas, c’est
comment ces faux documents ont pu abuser tant de monde parmi ceux chargés du
contrôle. Il n’y a qu’une explication à mes yeux, une complicité du chancelier
envers ceux qui fabriquaient de fausses lettres.
— De M. le comte de Cheverny ? C’est
impossible ! Il n’y a pas à la cour d’homme plus intègre et plus fidèle au
roi.
— Peut-être lui a-t-on subtilisé les
sceaux sans qu’il le sache ? suggéra Cassandre.
— Non, les sceaux ne le quittent jamais.
Le silence se fit un moment, puis Poulain
proposa :
— Il y a peut-être une autre explication.
L’année dernière un graveur et son assistant ont été pendus devant l’hôtel de
Bourbon. Le graveur se nommait Larondelle et avait imité des sceaux du Châtelet,
du parlement et de la Chancellerie. Et si c’étaient eux les artisans de ces
fausses lettres ?
— Possible… Mais comment M. Salvancy,
simple receveur général, a-t-il pu engager une si vaste entreprise ? demanda
alors Caudebec.
— Il n’a été qu’un instrument entre les
mains d’un homme proche de la surintendance des finances, affirma Olivier.
Nicolas Poulain considéra son ami avec intérêt.
Qu’avait-il découvert pour être aussi affirmatif ?
— Mais je vais mettre fin à ses larcins, poursuivit
Olivier. Je vais rassembler des preuves et préparer un mémoire pour M. de Bellièvre.
Je ferai pendre M. Salvancy devant ma maison, autant pour ses vols que
pour l’assassinat de mon père, et son corps finira à Montfaucon [57] mangé par les corbeaux.
— Croyez-vous ? demanda Cassandre, avec
un air dubitatif.
— Comment pourrait-il échapper à son
châtiment quand je disposerai de preuves accablantes !
— Ses amis sont puissants, ils ne l’abandonneront
pas. Mon oncle m’a dit que l’argent de Salvancy était parfois remis au
trésorier du duc de Guise, croyez-vous que le duc acceptera qu’il y ait procès ?
Son image serait trop ternie si les Français apprenaient qu’il rapine les
tailles du roi. De surcroît, quand bien même M. Salvancy finirait pendu, le
roi ne reverrait pas son argent.
— Pourquoi ? demanda Nicolas Poulain.
— Je l’ai expliqué à Olivier, fit
Cassandre en soupirant. M. Salvancy a fait des dépôts dans la banque de
mon oncle. Pour ces dépôts, il a obtenu des quittances qu’il peut céder comme
bon lui semble. Il en a déjà fait passer une partie au duc de Guise. Si M. de Bellièvre
ne met pas la main sur ces documents, il ne retrouvera pas l’argent du roi. C’est
pour cela que je m’étais introduite chez lui, je voulais savoir s’il gardait
les quittances dans sa chambre.
— Mais s’il y a perquisition chez lui, elles
seront saisies, objecta Poulain.
— Sans doute, mais pouvez-vous être
certain qu’il ne sera pas prévenu et qu’il ne les aura pas fait disparaître ou
cédées à Guise en échange de sa défense ? Vous allez remettre un mémoire à
M. de Bellièvre, mais combien de gens vont l’avoir entre les mains
avant que M. le lieutenant civil envoie des archers pour fouiller la
maison de ce larron ?
Ni Olivier ni Nicolas Poulain ne répondirent. Effectivement,
une fois Salvancy dénoncé, l’affaire leur échapperait. Olivier songeait
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