Les Rapines Du Duc De Guise
sacs.
La chancellerie gardait les doubles des
lettres patentes et des lettres de provision, ainsi que les modalités de leur
enregistrement. Avec un clerc, il passa la journée à faire des recherches sur
une dizaine de riches roturiers, vivant dans deux paroisses différentes, et
récemment anoblis, selon les registres des tailles. Mais il n’y avait aucun
dossier d’anoblissement ou copie de lettre patente à leur nom.
Cela signifiait que les élus des paroisses où
vivaient ces gens avaient accepté de fausses lettres d’anoblissement, mais
savaient-ils qu’elles étaient fausses ? Pouvait-il s’agir de lettres
patentes d’une qualité telle que leur fausseté était indétectable ? Cela
lui paraissait difficile à admettre, car les lettres devaient porter le sceau
vert de la chancellerie.
Il y avait là un nouveau mystère dont il parla,
à son retour, avec Caudebec et Cassandre.
Ce fut Caudebec qui expliqua ce qui avait dû
se passer :
— En province, l’usurpation de titres
nobiliaires est fréquente pour ne pas payer la taille. Les roturiers
propriétaires d’une terre noble fieffée présentent souvent aux receveurs de
fausses chartes de noblesse, parfois si bien imitées qu’elles font illusion. La
fabrication de fausse noblesse est devenue un métier pour certains faussaires
et il est vrai que la possession d’un fief est souvent une solide présomption. Et
puis, les contrôles sont toujours longs, car il faut aller vérifier au
parlement qui les a enregistrées, ou à la chambre des Comptes, parfois même à
la chancellerie. Mais dans le cas de cette fraude, c’est l’inverse qui a dû se produire :
ce ne sont pas les roturiers qui ont cherché à se faire passer pour noble, c’est
le receveur qui les a inscrits pour tels. Le receveur, ou encore l’élu… je ne
sais pas. Celui-là a encaissé la taille du roturier, et comme cette taille
était en surplus sur les rôles réels, il l’a gardée par-devers lui.
La méthode de la fraude proposée par Caudebec
était habile bien que fort dangereuse. Non informé de leur nouvelle – mais
fausse – noblesse et ignorant qu’on les utilisait, les roturiers auraient ainsi
continué à payer leur taille à leur collecteur, sans savoir qu’elles n’apparaîtraient
plus sur les rôles des élus, puisqu’ils étaient officiellement nobles et
exemptés d’impôts !
Évidemment, une telle organisation avait dû
demander bien des complicités, mais convaincre quelques élus de fermer les yeux
moyennant pécunes et avantages n’avait pas dû être si difficile tant la
corruption régnait dans l’élection de Paris.
Il restait tout de même que des lettres d’anoblissement
avaient dû être présentées au bureau des finances, ou à un contrôleur des
titres nobiliaires, pour qu’elles soient validées. Qui les avait faites ? Y
avait-il complicité du chancelier ?
Incapable de répondre, Olivier décida d’aller
en parler à Nicolas Poulain. Il était jeudi et il devait être chez lui à cette
heure, car vêpres venaient de sonner, et puis ce serait l’occasion de faire la
paix, se dit-il.
Il se rendit aussitôt chez son voisin, seulement
le lieutenant du prévôt n’était pas encore revenu de Saint-Germain. Olivier
expliqua donc seulement à son épouse qu’il avait hâte de voir Nicolas, car il
avait beaucoup de bonnes nouvelles à lui donner.
20.
Après l’échec de leur assaut sur la maison de
Hauteville, Maurevert et son écuyer avaient quitté Paris. Ils attendirent
quelques jours dans une hostellerie des faubourgs, puis Maurevert revint seul
dans la capitale, habillé en gagne-denier. Avec les campagnes ruinées, il y en
avait tant et tant qu’on ne le remarqua pas.
Le vendredi 15 mars, assis sur une borne de
pierre à l’angle de la rue de Venise, il vit Poulain entrer dans la maison de
Hauteville. Il comprit qu’il ne pourrait jamais rien faire tant que cet homme
serait là. Mais, dans l’immédiat, ne pouvant rester ainsi travesti, il décida
de se loger dans la rue. Il examina donc les maisons en face de celle de
Hauteville pour repérer quelque chambre inoccupée qu’il pourrait louer.
Un peu plus bas, il remarqua que le deuxième
étage au-dessus de la boutique d’un fourreur avait ses volets intérieurs clos. Il
revint le lendemain, cette fois habillé d’une robe de clerc, et s’adressa à la
femme du fourreur qui tenait l’échoppe tandis que son époux et ses deux
ouvriers cousaient dans
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