Les Rapines Du Duc De Guise
immanquablement qu’il les a aussi vus à
nos réunions…
Il poursuivit, un ton plus bas :
— … Il pourrait faire le lien avec l’assassinat
du père Hauteville. Ne risquerait-il pas alors de nous demander des comptes, et
même de nous dénoncer ?
Mayneville grimaça sans mot dire, reconnaissant
que Poulain pouvait présenter un danger. À dire vrai, Poulain ou Hauteville.
— Vous avez le choix, messieurs, il faut
se débarrasser de l’un ou de l’autre, déclara-t-il après un instant de silence.
— Comme nous avons besoin de M. Poulain,
dit La Chapelle avec cynisme, le choix est fait…
— Trouvons quelque gueux qui lui donnera
un coup de dague dans la rue, proposa Salvancy.
— Ce ne sera pas facile, intervint le
commissaire Louchart. Cette semaine, j’ai aperçu Hauteville au Palais en
compagnie d’un ferrailleur armé d’une lourde épée. Le genre d’individu qui loue
son bras au plus offrant. J’ai demandé à Michelet de les surveiller et il a
appris que ce spadassin loge chez lui. Sans doute l’a-t-il engagé pour se protéger.
— Et si nous achetions ce garde du corps ?
Il pourrait faire le travail à notre place.
— Et s’il refuse ? grinça Louchart. Ces
bretteurs ont parfois un curieux sens de l’honneur !
— Michelet, pourriez-vous rassembler
quelques truands capables de se charger d’eux ? demanda La Chapelle.
— En ville ? Vous rêvez, monsieur !
La nuit, ce serait sans doute possible, mais de jour, en pleine rue ! Il
faudrait que Hauteville quitte Paris…, suggéra-t-il après un instant.
Ils restèrent encore silencieux un moment, certains
échafaudant quelques idées qu’ils ne proposaient finalement pas tant elles leur
paraissaient risquées ou irréalisables.
— Il va se rendre à Saint-Germain ! intervint
brusquement Salvancy. Je me souviens qu’en examinant les documents trouvés chez
M. Hauteville et que l’on m’a portés, j’y ai vu la copie des registres de
la subdélégation de Saint-Germain qui ne sont pas au tribunal de l’élection de
Paris. Il aura besoin de se procurer ces pièces, donc de se rendre là-bas comme
l’avait fait son père.
— Mais quand ? demanda La Chapelle.
— Je peux me charger de cette affaire, proposa
Michelet. Pendant quelques jours, je n’irai pas au Châtelet prendre mon service
à la première heure. Je suivrai Hauteville et son commis chaque matin. Ils
sortent de chez eux toujours à la même heure. Si je les vois prendre le chemin
de Saint-Germain, j’aurai le temps de préparer quelque chose.
— Comment ferez-vous ?
— À Montmartre, je peux rapidement réunir
quelques gueux. Même à cheval, il faut une demi-journée pour aller à
Saint-Germain. Hauteville restera là-bas au moins deux jours, sinon trois. Sur
place, je trouverai où ils logent et mes hommes surveilleront leur départ. On
les attendra dans les bois de Vésinet, avant Chatou. À cette époque de l’année,
il n’y aura pas grand monde sur la route et ils ne pourront m’échapper.
— Ce plan me paraît habile, approuva M. de La
Chapelle en balayant du regard l’assistance, pour guetter une approbation.
— À moi aussi, dit Louchart, après un
temps de réflexion. Mais évitez tout combat rapproché, Michelet. Le bretteur
garde du corps est sans doute dangereux. Prenez des mousquets et tirez-les
comme des lapins.
Lundi 28 janvier
1585, dans le Périgord
Ils avaient logé à
Ruffec chez M. Leperrois, un ami de M. de Mornay, veuf et âgé. Après
le souper, il les avait laissés dans la grande salle de sa maison fortifiée
située dans une lice des remparts. Devant la cheminée, éclairés seulement par
les flammes, Cassandre, les Suisses, et Caudebec veillaient un peu avant de
rejoindre leurs chambres. Dehors, il neigeait. L’étape du lendemain serait
certainement aussi courte que celle du jour écoulé. À peine trois ou quatre
lieues.
Durant le voyage, ils parlaient peu, tant ils
devaient rester vigilants aux périls du chemin, et ce n’est que le soir qu’ils
pouvaient discuter. Mais ils le faisaient rarement, sinon pour préparer l’itinéraire
du lendemain, car souvent leur hôte était avec eux et ils devaient rester
discrets.
Ce soir-là, étant seuls, Cassandre interrogea
ses compagnons sur Isabeau de Limeuil. Pour des raisons qu’elle ne comprenait
pas, elle se sentait attirée par cette femme dont elle n’avait pourtant jamais
entendu parler auparavant.
Les Suisses lui dirent
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