Les Rapines Du Duc De Guise
nécessaire pour conduire la guerre contre les Anglais. Avec
le temps, la taille – c’était le nom de cet impôt – était devenue définitive et
les élus étaient devenus des officiers de la Couronne. Par des chevauchées dans
les circonscriptions dont ils s’occupaient, ils répartissaient entre les
paroisses le montant total de la taille royale à collecter que leur avait
transmis le bureau des finances.
Les élus tenaient compte de l’abondance ou de
la disette, de la facilité avec laquelle l’impôt de l’année précédente avait
été acquitté, et surtout des exemptions des nobles et des gens d’Église qui
pouvaient varier d’une année sur l’autre. Ils vérifiaient aussi les rôles
dressés par les collecteurs des paroisses.
Une fois que chaque paroisse avait reçu le
montant de sa taille à payer, des asséeurs choisis par les habitants dressaient
des rôles sur lesquels étaient notés tous les paroissiens avec leurs biens et
la partie de la taille paroissiale à leur charge. C’était la répartition. Les
nobles et les gens d’Églises étaient notés de la même façon, mais sans être
assujettis à l’impôt. Ces rôles étaient transmis à un collecteur auprès de qui
chacun devait venir volontairement porter son impôt.
C’était une lourde machine administrative, avec
quantité de bordereaux, de registres, et de vérifications, qui reposait sur une
subtile hiérarchie de receveurs généraux, de receveurs, et de collecteurs. De
surcroît, avec quatre cent cinquante paroisses regroupées en subdélégations, l’élection
de Paris était excessivement vaste, même si la capitale était exemptée de
taille.
Il y avait un rôle par paroisse et beaucoup d’entre
eux portaient sur des quartiers trimestriels. Il était donc difficile de les
comparer. C’est à une première tâche d’uniformisation que s’était attelé feu M. Hauteville.
Avec Le Bègue, ils avaient ainsi recopié un grand nombre de registres, sur les
quatre dernières années, pour pouvoir ensuite les examiner.
Seulement, comme les premiers résultats
auxquels ils étaient parvenus avaient été volés par les assassins, ils
devraient recommencer ce travail qui prendrait au moins un mois ou deux, d’autant
que les documents de la subdélégation de Saint-Germain n’étaient pas archivés à
Paris mais au château de Saint-Germain.
Le vendredi soir, Jean
Le Clerc, sieur de Bussy, vint chercher Nicolas Poulain pour le conduire rue
Michel-le-Comte, devant les Étuves Saint-Martin, chez M. Charles Hotman, receveur
de l’évêque de Paris et fondateur de la sainte union. Poulain n’avait pas
encore rencontré le chef de la Ligue parisienne, car il avait été récemment
frappé par la maladie.
Bussy Le Clerc lui confia que Hotman avait
créé la sainte union en réaction contre son frère Antoine, et qu’il ne fallait
jamais évoquer ce dernier. Antoine, maître des requêtes d’Henri de Navarre, vivait
à Genève et était l’un des plus fins juristes et théologiens protestants !
Désormais, Charles Hotman remplacerait Isoard
Cappel qui était brusquement tombé malade et se soignait en province, ajouta
Bussy Le Clerc. Cette dernière confidence amena un léger sourire sur les lèvres
de Nicolas Poulain.
En arrivant, le lieutenant du prévôt fut
conduit dans une salle voûtée et présenté immédiatement au chef de la sainte
union, un homme austère à l’expression aussi triste que celle d’un pasteur
huguenot. Comme à chaque réunion des ligueurs, beaucoup de participants étaient
masqués, ce qui était d’ailleurs presque inutile, car avec seulement quatre ou
cinq chandelles de suif allumées, on n’y voyait presque rien.
Quand le conseil fut au complet, Hotman lut
une lettre du duc de Guise qui annonçait l’offensive prochaine des catholiques
afin d’imposer au roi les clauses du traité de Joinville. À cette déclaration, des
exclamations de joie ou de soulagement se firent entendre dans toute l’assistance.
Pour que leur cause l’emporte, poursuivait
Guise dans sa missive, les Parisiens devaient l’aider, ainsi que les vrais
catholiques des autres cités du royaume. Guise assurait disposer de
quatre-vingt mille hommes, mais comme cette armée devrait être répartie dans
toutes les provinces, les ligues urbaines joueraient un rôle important pour qu’il
prenne facilement possession des villes et des forteresses.
Dans ce discours, Poulain remarqua qu’on ne
parlait plus
Weitere Kostenlose Bücher