Les refuges de pierre
en
affluent mineur de la Rivière. Ayla fit halte lorsqu’elles arrivèrent à l’endroit
où l’eau sortait en un flot gargouillant de la cannelure qu’elle avait creusée
dans le calcaire. Un peu après la cascade, de grosses pierres s’étaient
détachées de la paroi et avaient formé une sorte de barrage qui retenait l’eau
en un petit bassin bordé de mousse.
L’eau qu’il contenait provenait principalement de la pluie,
ainsi que des éclaboussures de la cascade. En été, quand il pleuvait moins, le
niveau du bassin était plus bas et Ayla se dit que le soleil avait peut-être
réchauffé l’eau. Elle y plongea une main. Comme elle s’y attendait, l’eau était
moins froide que celle de la cascade, et la mousse rendait moins dur le fond du
bassin. La jeune femme posa son sac.
— J’ai apporté de quoi manger, dit-elle. Tu veux nourrir
Lorala maintenant ou plus tard ?
— Maintenant, répondit Lanoga.
— D’accord. J’ai du grain cuit et la viande que nous avons
grattée pour le bébé. J’ai emporté assez de nourriture pour nous trois, et même
quelques os pour Loup. Avec quoi donnes-tu à manger à ta sœur, d’habitude ?
— Avec ma main.
Ayla considéra les mains sales de la fillette, lui montra les
plantes qu’elle avait cueillies en chemin.
— Je vais t’expliquer à quoi elles servent. On les appelle
des saponaires. Il y en a plusieurs sortes et certaines sont meilleures que d’autres.
D’abord, je vais les laver pour en enlever la terre...
Ayla chercha ensuite une pierre ronde et dure, un endroit plat
sur l’un des rochers autour du bassin.
— Maintenant, j’écrase les racines. C’est encore mieux si
tu les laisses tremper.
La fillette observait mais ne disait rien. Ayla prit un panier
dans son sac, s’approcha du bassin.
— L’eau seule n’enlève pas toujours très bien la saleté.
Avec ces racines, c’est plus facile. L’eau du bassin est un peu plus chaude que
la cascade. Tu veux vérifier ?
— Je sais pas, répondit Lanoga, qui la regardait comme si
elle ne comprenait pas.
— Approche, mets ta main dans l’eau.
La fillette plongea dans le bassin la main qui ne tenait pas le
bébé.
— Elle est plus chaude, non ? C’est agréable ?
— Je sais pas.
Ayla mit un peu d’eau tiède dans le panier, ajouta les racines
écrasées, remua le tout. Puis elle prit une des saponaires et s’en frotta les
mains.
— Lanoga, pose le bébé et fais comme moi.
La fillette regarda Ayla, posa le bébé sur le sol, à ses pieds,
tendit lentement le bras vers une racine, la prit, s’en frotta les mains. De la
mousse se forma.
— Maintenant, tu rinces, comme cela, dit Ayla. Tu vois
comme tes mains sont propres ?
Lanoga plongea ses mains dans l’eau, les regarda. Une expression
d’intérêt se peignit sur son visage.
— Mangeons, maintenant, reprit Ayla.
Elle retourna à son sac, en tira plusieurs paquets, un bol en
bois sculpté surmonté d’un couvercle maintenu par une corde. Elle l’ouvrit,
effleura d’un doigt ce qu’il contenait.
— C’est encore un peu chaud, dit-elle en montrant la masse
agglutinée de grains moulus et cuits. Je les ai cueillis la saison dernière,
pendant notre Voyage. Il y a des graines de seigle et de blé, de l’avoine. J’ai
ajouté un peu de sel pour la cuisson. Les petites graines noires viennent d’une
plante que j’appelle ansérine mais qui porte un nom différent en zelandonii. On
peut aussi manger les feuilles. J’ai préparé ce grain pour Lorala. Je pense qu’il
y en aura assez pour nous aussi, mais essaie d’abord de lui donner un peu de
viande grattée.
La viande était enveloppée dans de grandes feuilles de plantain.
Ayla la tendit à la fillette, regarda ce qu’elle allait en faire. Lanoga ouvrit
le paquet, prit dans ses doigts un peu de la substance pâteuse et la glissa
entre les lèvres du bébé calé sur sa hanche. Lorala ouvrit grand la bouche mais
parut étonnée. Elle fit tourner la viande avec sa langue, en apprécia le goût
et la texture, finit par l’avaler et rouvrit la bouche pour en réclamer. Ayla
trouva qu’elle ressemblait à un oisillon.
Lanoga sourit – c’était la première fois qu’Ayla la
voyait sourire –, donna au bébé le reste de la viande puis prit le bol de
céréales. Elle goûta d’abord elle-même, en mit un peu dans la bouche de sa
sœur, guetta sa réaction. Avec une intense concentration, Lorala goûta à son
tour, mâcha
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