Les refuges de pierre
même le mélange un peu collant. Elle sembla réfléchir puis avala et
ouvrit à nouveau la bouche. Ce fut seulement quand sa sœur fut repue que Lanoga
goûta une nouvelle fois les céréales.
— Est-ce que Lorala sait garder quelque chose dans la
bouche si on le lui donne ? demanda Ayla.
— Oui.
— J’ai apporté un petit morceau d’os à moelle. J’ai connu
un enfant qui adorait cela quand il était bébé, dit-elle avec un sourire un peu
triste. Donne-le-lui, nous verrons si ça lui plaît.
Ayla tendit à la fillette un morceau d’os de patte de cerf dont
le trou central était rempli de moelle. Dès que Lanoga lui eut donné l’os, le
bébé le porta à sa bouche, eut de nouveau l’air intrigué par ce goût inconnu
puis elles l’entendirent faire de grands bruits de succion.
— Pose-la et mange, Lanoga.
Loup observait le bébé depuis l’endroit où Ayla lui avait
ordonné de rester, quelques pas plus loin. Il rampa lentement vers le
nourrisson qui gigotait dans l’herbe, en poussant de petites plaintes. Lanoga
regarda un moment l’animal et tourna vers Ayla un visage inquiet. Jusque-là,
elle n’avait pas même remarqué la présence du prédateur.
— Loup aime les enfants, assura Ayla. Il a envie de jouer
avec ta petite sœur mais je crois que cet os à moelle l’attire aussi. Si elle
le laisse tomber, il croira qu’elle le lui donne et le prendra. J’ai apporté
pour lui un os avec un reste de viande. Il le rongera près de la Rivière
pendant que nous mangerons.
Ayla ouvrit un autre des paquets tirés de son sac. L’enveloppe
de cuir protégeait quelques morceaux de bison et un os de belle taille auquel
adhérait encore une viande brunâtre et sèche. Elle fit signe à Loup de la
suivre, se dirigea vers la rive et lui lança l’os.
Elle retourna au bassin, déballa le reste des paquets. En plus
de la viande et des céréales, elle avait emporté de la nourriture qui lui
restait du Voyage. Des morceaux séchés d’une racine féculente, des pignes de
pin grillées, des noisettes dans leurs coques, des tranches de petites pommes
séchées, d’une aigreur agréable.
Pendant le repas, Ayla parla à la fillette.
— Je t’ai dit que nous nous laverions avant d’aller voir
ces femmes, je dois maintenant t’expliquer pourquoi. Je sais que tu as fait de
ton mieux pour nourrir Lorala, mais elle a besoin d’autre chose que de racines
écrasées pour grandir et être en bonne santé. Je t’ai montré comment lui
préparer d’autres choses, de la viande, par exemple, pour qu’elle puisse la
manger alors qu’elle n’a pas encore de dents. Mais elle a surtout besoin de
lait.
Lanoga la regardait sans rien dire.
— Là où j’ai grandi, les femmes nourrissaient toujours les
bébés de celles dont le sein s’était tari. D’après Proleva, les Zelandonii le
font aussi, mais uniquement entre proches parents. Ta mère n’a ni sœur ni
cousine qui allaite. Je vais donc demander à des femmes qui allaitent ou le
feront bientôt si elles veulent bien l’aider. Or les mères sont très
protectrices envers leurs bébés ; elles n’auront peut-être pas envie de
prendre dans leurs bras un enfant qui est sale et qui ne sent pas bon, avant de
reprendre leur enfant.
« Nous devons laver Lorala pour qu’elle soit fraîche et
mignonne. Nous nous servirons de cette plante avec laquelle nous avons nettoyé
nos mains. Je te montrerai comment la baigner parce qu’il faudra que tu la
gardes propre ; comme ce sera sans doute toi qui la porteras aux femmes
qui la nourriront, tu devras te baigner aussi. Je t’ai apporté de quoi t’habiller.
Un vêtement que Proleva m’a donné. Il a déjà été porté mais il est propre. La
fille à qui il appartenait est trop grande pour le mettre, maintenant.
Lanoga ne répondit pas et Ayla se demanda pourquoi elle parlait
si peu.
— Tu as compris ? insista-t-elle.
La fillette acquiesça de la tête, continua à manger en jetant de
temps à autre un coup d’œil à sa sœur, qui tétait toujours l’os à moelle. Ayla
songea que le bébé devait être affamé de ces nourritures qui lui avaient
manqué. Des racines féculentes bouillies ne suffisaient pas à un nouveau-né. Le
temps que Lanoga ait mangé son content, Lorala commençait à s’assoupir, et Ayla
décida de la laver avant qu’elle s’endorme. Elle rangea les récipients, se
leva, renifla une odeur reconnaissable. La grande sœur l’avait sentie
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