Les refuges de pierre
plusieurs burins adaptés aux besoins de Solaban. Les deux hommes
avaient longuement discuté, parfois en s’aidant de croquis dessinés au charbon
de bois sur de l’écorce de bouleau, afin de s’entendre sur la forme exacte des
outils. Certaines des peaux que Jondalar avait acquises deviendraient des
panneaux de cuir brut, nécessaires pour la future habitation, tandis que d’autres
dédommageraient Shevola, la femme qui fabriquait les panneaux, pour son temps
et sa peine. Il promit également de lui faire deux couteaux pour couper le
cuir, des racloirs et autres outils.
Jondalar passa des arrangements similaires avec Jonokol, l’acolyte
artiste pour qu’il décore les panneaux en appliquant ses idées – dessin,
composition – à l’utilisation des symboles et des animaux demandés
par tous les Zelandonii, ainsi que de ceux que Jondalar voulait ajouter. En
échange, Jonokol réclama des outils spéciaux. Il avait certains projets de
gravure en relief du calcaire mais ne savait pas assez bien tailler le silex
pour réaliser le burin crochu qu’il désirait. Les burins et les outils en silex
étaient de toute façon difficiles à fabriquer. Ils réclamaient beaucoup d’expérience
et de talent de la part du tailleur.
Une fois les matériaux prêts, la construction elle-même
prendrait relativement peu de temps. Jondalar avait déjà convaincu plusieurs
parents et amis de revenir avec lui à la Neuvième Caverne pendant la Réunion d’Été – sans
Ayla – pour l’aider à bâtir son habitation. Il souriait
intérieurement chaque fois qu’il imaginait le plaisir qu’elle éprouverait en
découvrant à leur retour, en automne, qu’ils avaient un foyer à eux.
Le marchandage avait duré plusieurs longs après-midi et Jondalar
y avait souvent pris plaisir. Cela commençait en général par des plaisanteries,
suivies par une discussion qui ressemblait parfois à une âpre bataille ou à un
échange d’insultes, mais tout se terminait le plus souvent par des éclats de
rire devant une coupe d’infusion, de vin ou de barma, voire un repas. Jondalar
veillait toujours à ce qu’Ayla ne fût pas présente, mais cela n’empêcha pas la
jeune femme d’assister à d’autres marchandages.
La première fois qu’elle entendit des Zelandonii marchander,
elle ne comprit pas la nature de cet échange braillard de propos injurieux. Il
opposait Proleva et Salova, la compagne de Rushemar, qui fabriquait des paniers.
Pensant que les deux femmes étaient fâchées, Ayla courut chercher Jondalar,
dans l’espoir qu’il pourrait intervenir.
— Proleva et Salova se disputent ? s’étonna-t-il. A
quel sujet ?
— Proleva dit que les paniers de Salova sont laids et mal
faits. Ce n’est pas vrai, ils sont beaux, et Proleva doit le penser, elle
aussi, puisque j’en ai vu plusieurs chez elle. Pourquoi dénigre-t-elle ainsi le
travail de Salova ? Il faut que tu fasses quelque chose.
Jondalar comprit la sollicitude d’Ayla mais dissimula mal un
sourire. Enfin, ne pouvant se contenir plus longtemps, il éclata de rire.
— Ayla, elles ne se disputent pas, elles s’amusent. Proleva
veut quelques paniers de Salova, et c’est la façon de procéder. Elles finiront
par se mettre d’accord et seront contentes toutes les deux. Cela s’appelle du
marchandage. Si j’intervenais, elles seraient privées de leur plaisir. Retourne
les observer. Tu verras qu’avant longtemps elles auront le sourire, chacune d’elles
pensera qu’elle a fait un bon échange.
— Tu es sûr ? Elles semblaient furieuses...
Ayla retourna se poster à un endroit d’où elle pouvait regarder
et écouter. Si c’était la façon de procéder chez les Zelandonii, elle voulait
être capable de marchander, elle aussi. Au bout d’un moment, elle remarqua que
plusieurs spectateurs assistaient à la confrontation, échangeant sourires et
hochements de tête entendus. Elle se rendit bientôt compte que les deux femmes
n’étaient pas vraiment en colère, tout en se demandant si elle arriverait un
jour à dire d’une chose qu’elle était horrible alors qu’en fait elle la
trouvait belle. Quel étrange comportement ! Quand le marchandage prit fin,
elle retourna auprès de Jondalar :
— Pourquoi les gens profèrent-ils de telles injures, s’ils
ne les pensent pas ? Je ne suis pas sûre de savoir un jour marchander de
cette manière.
— Proleva et Salova savaient toutes deux que l’autre ne
pensait pas vraiment ce
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