Les refuges de pierre
montrer. Comme je ne suis pas bon avec une
sagaie, j’ai préféré venir voir les chevaux.
Ayla se demanda si l’omission avait été délibérée, si quelqu’un
avait cherché à berner ce jeune garçon. Puis elle prit conscience qu’un enfant
de cet âge qui allait cueillir des framboises avec sa mère menait sans doute
une vie assez solitaire. Un garçon infirme, incapable de lancer une sagaie, ne
devait pas avoir beaucoup d’amis. Mais il avait un bras valide, il pouvait
apprendre à lancer une sagaie, surtout avec l’instrument de Jondalar.
— Pourquoi n’es-tu pas bon avec une sagaie ? lui
demanda-t-elle.
— Tu ne vois pas ? répliqua-t-il, montrant son bras
mal formé.
— Mais ton autre bras marche parfaitement.
— L’autre bras, tout le monde s’en sert pour tenir ses
sagaies. Et puis personne ne veut m’apprendre. Les autres disent que je n’arriverais
jamais à toucher une cible, de toute façon.
— Et l’homme de ton foyer ?
— Je vis avec ma mère, et la mère de ma mère. On a eu un
homme dans notre foyer, dans le temps, ma mère me l’a montré un jour, mais il
est parti il y a longtemps et il ne veut pas entendre parler de moi. Ça ne lui
a pas plu quand je suis allé le voir, il avait l’air gêné. De temps en temps,
il y a des hommes qui vivent un moment avec nous, mais ils ne s’occupent pas de
moi.
— Tu veux voir un lance-sagaie ? J’en ai un.
— Comment tu l’as eu ?
— Je connais l’homme qui l’a fabriqué, c’est avec lui que
je vais m’unir. Dès que j’aurai fini avec les chevaux, j’irai le seconder dans
sa démonstration.
— Oui, je veux bien jeter un coup d’œil.
Ayla alla prendre le propulseur et quelques sagaies dans son
sac.
— Voilà comment ça marche, dit-elle en posant un projectile
sur l’instrument.
La jeune femme s’assura que le trou creusé au bout de la sagaie
était bien en face du petit crochet qui terminait l’étroite bande de bois,
partagée par une rainure centrale, puis elle passa les doigts dans les lanières
attachées sur le devant. Elle visa, lança.
— Elle est allée loin ! s’exclama Lanidar. Je n’ai
jamais vu un homme lancer aussi loin.
— C’est ce qui fait de cet instrument une redoutable arme
de chasse. Tu pourrais y arriver, toi aussi. Viens, je vais t’expliquer comment
on le tient.
Ayla se rendait compte que le propulseur n’était pas à la taille
du petit garçon, mais cela conviendrait pour l’aider à comprendre le principe
de son fonctionnement. La malformation de son bras droit l’avait forcé à
développer le gauche. Inutile de se demander s’il aurait été de toute façon
gaucher si son bras droit s’était développé normalement. Gaucher, il l’était
maintenant. Sans se préoccuper de lui apprendre à viser pour le moment, elle
lui montra comment ramener le bras en arrière et lancer. Puis elle lui mit le
propulseur dans la main, le plaça pour lui et le laissa faire. La sagaie partit
de côté mais vola loin, et Lanidar eut un sourire ravi.
— Regarde où j’ai lancé ! Et on arrive aussi à toucher
quelque chose ?
— Avec de la pratique.
Elle parcourut la prairie du regard, ne vit rien qui pût servir
de cible. Elle se tourna vers Loup, qui, allongé sur le ventre, les observait.
— Loup, va me chercher quelque chose, dit-elle,
accompagnant les mots de signes plus précis.
Il se leva d’un bond, fila dans l’herbe haute qui virait du vert
au doré. Ayla le suivit lentement, ne tarda pas à déceler un mouvement dans l’herbe,
puis aperçut un lièvre gris détalant devant le loup. Elle avait armé le
propulseur et le tenait à hauteur d’épaule. Devinant la direction dans laquelle
le lièvre bondirait la fois suivante, elle lança la sagaie, qui toucha sa
cible. Lorsqu’elle s’approcha, le loup, qui avait une patte sur le corps du
lièvre, leva les yeux vers elle.
— Je le veux, celui-là, Loup, va en attraper un autre pour
toi, dit-elle au carnassier, lui parlant en même temps par signes.
Le jeune garçon restait abasourdi par la façon dont l’énorme
loup obéissait à cette femme. Elle ramassa le lièvre, retourna près des
chevaux.
— Tu devrais aller voir la démonstration, Lanidar, cela t’intéresserait.
Peu importe que tu ne saches pas lancer. Personne ne sait se servir d’un
lance-sagaie non plus. Tout le monde devra apprendre. Si tu attends un peu, j’irai
avec toi.
L’enfant la regarda brosser le jeune
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