Les refuges de pierre
cela fait longtemps que tu
es ici ?
— J’y suis né.
— Alors, tu es de la Dix-Neuvième Caverne ?
— Oui. Pourquoi tu parles drôlement comme ça ?
— Moi, je ne suis pas née ici. Je viens de loin. Avant, j’étais
Ayla du Camp du Lion des Mamutoï, maintenant je suis Ayla de la Neuvième
Caverne des Zelandonii.
Elle fit un pas vers lui en tendant les deux mains comme pour
une présentation rituelle. Le garçon se troubla un peu parce qu’il arrivait
difficilement à lever son bras en partie paralysé. Ayla tendit un peu plus le
sien vers le membre difforme et prit les deux mains de l’enfant dans les
siennes, comme si de rien n’était, mais sentit que l’une d’elles était plus
petite, mal formée, avec l’auriculaire collé au doigt voisin. Elle la garda un
moment dans la sienne et sourit.
Comme s’il se rappelait soudain les usages, le garçon
récita :
— Je suis Lanidar de la Dix-Neuvième Caverne des Zelandonii.
Ma Caverne te souhaite la bienvenue à la Réunion d’Été, Ayla de la Neuvième
Caverne des Zelandonii.
— Tu siffles très bien. Tu as parfaitement réussi à m’imiter.
Tu aimes siffler ? demanda Ayla en lui lâchant les mains.
— Oui, ça me plaît.
— Je peux te demander de ne pas recommencer ?
— Pourquoi ?
— Je me sers de ce sifflement pour appeler ce cheval, l’étalon.
Si tu siffles comme moi, il croira que tu l’appelles et il ne comprendra plus
rien. Si tu aimes siffler, je peux t’apprendre d’autres sifflements.
— Quoi, par exemple ?
Ayla regarda autour d’elle, découvrit une mésange à tête noire
perchée sur une branche voisine. Elle l’écouta chanter un moment puis
reproduisit le son. Le jeune garçon eut l’air abasourdi, l’oiseau cessa un
moment de chanter puis recommença. Ayla l’imita de nouveau. La mésange
répondit.
— Comment tu fais ? demanda-t-il.
— Je t’apprendrai si tu veux. Tu y arriveras, tu siffles
bien, mais il faut t’entraîner.
— Tu peux imiter d’autres oiseaux aussi ?
— Oui.
— Lesquels ?
— Ceux que tu voudras.
— Un pipit ?
Ayla ferma un instant les yeux, émit une suite de sons qui
ressemblait à s’y méprendre au cri du pipit planant haut dans le ciel.
— Tu peux vraiment m’apprendre à faire ça ? reprit-il
en la fixant avec des yeux étonnés.
— Si tu t’entraînes et si tu as vraiment envie d’apprendre.
— Comment tu as appris, toi ?
— De cette façon. En m’entraînant. Avec de la patience, on
arrive même quelquefois à faire venir l’oiseau près de soi.
Ayla se rappela le temps où elle vivait seule dans sa vallée et
apprenait à imiter le chant des oiseaux. Elle s’était mise à leur donner à
manger ; plusieurs d’entre eux répondaient à son sifflement et venaient
picorer dans sa main.
— Tu peux siffler d’autres choses ? voulut savoir
Lanidar, intrigué par cette femme bizarre qui parlait si drôlement et sifflait
si bien.
Ayla réfléchit, et peut-être parce que le petit garçon lui
rappelait Creb, elle se mit à siffler une mélodie étrange qu’on eût dite jouée
par une flûte. Lanidar avait déjà entendu des flûtes mais jamais rien de tel.
La musique envoûtante ne ressemblait à rien de ce qu’il connaissait. C’était l’air
que jouait le Mog-ur au Rassemblement du Clan auquel Ayla s’était rendue quand
elle vivait encore avec le Clan de Brun. Lanidar écouta jusqu’à ce qu’elle s’arrêtât.
— Je n’ai jamais entendu siffler comme ça, dit-il.
— Cela t’a plu ?
— Oui, mais ça faisait un peu peur aussi. Comme si c’était
un air qui venait de très loin.
— Il venait de loin, confirma Ayla.
Elle sourit puis déchira l’air d’un sifflement aigu et
impérieux. Presque aussitôt, Loup bondit hors de l’herbe haute du pré.
— Un loup ! s’écria Lanidar, pétrifié par la terreur.
— Il ne te fera rien, le rassura Ayla en tenant l’animal
contre elle. Ce loup est mon ami. J’ai traversé le camp principal avec lui
hier. Je pensais que tu savais qu’il était là avec les chevaux.
L’enfant se calma mais continua à fixer le fauve avec de grands
yeux ronds pleins d’appréhension.
— Hier, j’ai été cueillir des framboises avec ma mère. On
ne m’a même pas dit que tu étais ici. On m’a juste dit qu’il y avait des
chevaux dans le Pré d’En-Haut. Tout le monde parlait de cet objet qui lance des
sagaies et qu’un homme doit nous
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