Les refuges de pierre
saigner lorsque la lune déclinante prenait la même
forme, si bien que je n’avais plus à tracer les marques ; mais je le
faisais quand même. On ne peut pas toujours voir la lune quand le ciel est
nuageux.
Zelandoni songea qu’elle s’habituait aux choses surprenantes qu’Ayla
évoquait avec désinvolture. Tracer une marque à compter quand elle saignait et
puis faire le lien avec les phases de la lune, c’était quand même sidérant.
— Aimerais-tu apprendre plus de mots à compter, et d’autres
façons de les utiliser ? On peut s’en servir pour savoir quand les saisons
vont changer, avant même que des signes l’annoncent, par exemple, ou pour
compter les jours à attendre jusqu’à la naissance de ton bébé.
— Oui, j’aimerais beaucoup. J’ai appris à tracer des
marques avec Creb, mais je crois que cela l’inquiétait un peu. La plupart des
femmes du Clan – les hommes aussi, d’ailleurs – ne savaient
pas compter au-delà de trois. Creb connaissait les marques à compter parce qu’il
était le Mog-ur, mais il n’avait pas de mots pour compter.
— Je te montrerai comment compter très loin, promit la
doniate. Je pense qu’il vaut mieux que tu aies tes enfants maintenant, tant que
tu es jeune. Tu n’auras peut-être plus envie de t’occuper de bébés quand tu
seras plus âgée. Qui sait ce que tu décideras de faire ?
— Je ne suis pas si jeune, Zelandoni. Je suis dans ma
dix-neuvième année, si Iza a bien estimé mon âge quand elle m’a trouvée.
— Tu parais plus jeune... Mais peu importe, tu as de l’avance,
ajouta-t-elle comme pour elle-même.
Intérieurement, elle alla jusqu’au bout de sa réflexion :
Ayla sait déjà soigner, elle n’aura pas à l’apprendre avant de devenir une
Zelandoni.
— De l’avance sur quoi ? fit Ayla, perplexe.
— Euh... de l’avance pour ton foyer, puisque la vie a déjà
germé en toi. J’espère que tu n’auras pas trop d’enfants. Tu es en bonne santé
mais trop d’enfants épuisent une femme, la font vieillir plus vite.
Ayla eut la nette impression que Zelandoni cherchait à lui
cacher quelque chose. C’était son droit. Libre à elle de ne pas révéler ce qu’elle
pensait vraiment, mais la jeune femme n’en était pas moins intriguée.
Le crépuscule avait commencé, on avait déjà du mal à y voir.
Lorsqu’elles arrivèrent à la fosse du feu, on les salua, on leur offrit à
manger. Ayla s’aperçut qu’elle avait faim : l’après-midi avait été long et
chargé. Zelandoni partagea leur repas, décida de passer la nuit au camp de la
Neuvième Caverne puis entama une discussion avec Marthona et Joharran sur la
prochaine chasse et la Traque que mènerait la Zelandonia. Elle signala qu’Ayla
se joindrait aux doniates, ce que Marthona et Joharran parurent trouver
judicieux, mais Ayla se sentit mal à l’aise. Elle n’avait pas envie de faire
partie de Ceux Qui Servaient la Mère, et les circonstances la poussaient malgré
elle dans cette direction.
— Il faudrait arriver là-bas de bonne heure. Je dois
installer des cibles et mesurer les distances en pas, dit Jondalar au moment où
ils sortaient de la hutte, le lendemain matin.
Il tenait à la main la coupe d’infusion de menthe qu’Ayla lui
avait préparée et se mit à mâchonner la petite branche de gaulthérie qu’elle
avait écorcée pour qu’il puisse se nettoyer les dents.
— Je veux d’abord passer voir Whinney et Rapide,
répondit-elle. Pars devant, je garde Loup et je te retrouve plus tard.
— Ne sois pas trop longue. Les membres de la Caverne
viendront tôt et j’aimerais que tu leur montres toi-même. Que mes jets soient
longs, c’est une chose, mais quand ils verront qu’une femme, avec notre
instrument, peut lancer une sagaie plus loin que n’importe quel homme, ils
seront intéressés.
— Je tâcherai d’aller vite mais je veux brosser les chevaux
et examiner Rapide. Je crois qu’il a reçu quelque chose dans l’œil, il est un
peu rouge. Il faudra peut-être que je le soigne.
— Tu veux que je vienne avec toi ? proposa-t-il,
soudain inquiet.
— Cela n’avait pas l’air grave, je suis sûre qu’il va bien.
Je veux juste m’en assurer. Pars, je te rejoindrai.
Jondalar hocha la tête en se curant les dents puis avala le
reste de l’infusion et sourit.
— Je me sens toujours mieux avec ça.
— Cela réveille et nettoie la bouche, dit Ayla.
Elle lui préparait sa tisane et sa brindille
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