Les refuges de pierre
s’occuper, reprit
Folara.
— Ou ne peut pas s’occuper, corrigea Ayla. Elle n’arrive
pas non plus à arrêter de boire de ce barma.
— Laramar est souvent soûl, et tout aussi irresponsable, observa
Folara avec dégoût. Il se moque des enfants de son foyer. Ayla a découvert que
Tremeda n’avait plus de lait et que Lanoga essayait de nourrir Lorala avec des
racines bouillies écrasées, la seule nourriture qu’elle sache préparer. Ayla a
persuadé quelques jeunes mères de donner le sein à la petite, mais c’est
toujours Lanoga qui prend soin de Lorala et des autres enfants de Tremeda. Ayla
lui a montré comment préparer des aliments pour les bébés, et c’est Lanoga qui
porte sa petite sœur aux autres mères pour qu’elles l’allaitent. Cette fille
est étonnante, elle fera un jour une bonne compagne et une excellente mère,
mais qui sait si elle trouvera un compagnon ? Le foyer de Laramar et
Tremeda occupe le dernier rang dans notre Caverne. Alors quel homme voudrait s’unir
à leur fille ?
Mardena et Denoda considéraient avec étonnement la jeune fille.
La plupart des Zelandonii aimaient les ragots mais ne montraient pas une telle
franchise au sujet de ceux qui causaient l’embarras de leur Caverne. Le rang de
Denoda avait baissé depuis que sa fille avait mis Lanidar au monde et que son
compagnon avait rompu le lien. Leur foyer n’occupait pas la dernière place mais
peu s’en fallait. Et même s’il avait occupé la première, Lanidar aurait eu du
mal à trouver une compagne, à cause de son infirmité.
— Veux-tu aller voir les chevaux, Lanidar ? proposa
Ayla en s’approchant des enfants. Tu veux venir aussi, Lanoga ?
— Je ne peux pas. Il faut que je porte Lorala à Stelona
pour qu’elle lui donne le sein, c’est son tour.
— Une autre fois, peut-être, dit Ayla avec un sourire plein
de chaleur. Tu es prêt, Lanidar ?
— Oui, répondit le garçon, qui se tourna vers la fillette.
Je dois y aller, Lanoga...
Elle lui adressa un sourire timide auquel il répondit. En
passant devant sa hutte, Ayla demanda à Lanidar :
— Tu peux aller me chercher ce bol que tu vois
là-bas ? J’y ai mis à manger pour les chevaux : des morceaux de
carotte, du grain.
Quand il revint vers elle, le bol serré entre son corps et son
bras difforme, Ayla revit brusquement Creb tenant de la même manière un bol de
pâte ocre rouge avec son bras amputé au coude, le jour où il avait donné un nom
au fils d’Ayla et l’avait accepté dans le Clan. Ce souvenir inopiné amena sur
ses lèvres un sourire de joie et de souffrance. Mardena, qui l’observait, se
demanda ce qui se passait. Denoda avait remarqué elle aussi l’expression de la
jeune femme et montra moins de discrétion :
— Tu regardais Lanidar avec un sourire étrange.
— Il me rappelle quelqu’un que j’ai connu autrefois. Un
homme à qui manquait la partie inférieure du bras. Enfant, il avait été attaqué
par un ours des cavernes. Sa grand-mère, qui était guérisseuse, avait dû couper
le bras blessé parce qu’il empoisonnait le reste du corps. Il serait mort,
sinon.
— C’est terrible ! commenta Denoda.
— Oui. L’ours lui avait aussi crevé un œil et abîmé une
jambe. Depuis ce jour, il marchait en s’appuyant sur un bâton.
— Le pauvre garçon ! compatit Mardena. Quelqu’un a dû
s’occuper de lui pendant le reste de sa vie ?
— Non. Il a au contraire apporté une précieuse contribution
à son peuple.
— Comment ?
— Il est devenu un grand homme, un Mog-ur – l’équivalent
d’un Zelandoni –, et même le Premier. Lui et sa sœur m’ont recueillie
après la mort de mes parents. Il était l’homme de mon foyer et je l’aimais
beaucoup.
Bouche bée, Mardena avait peine à croire ce que racontait cette
femme. Mais pourquoi aurait-elle menti ? En écoutant Ayla, Denoda avait
noté son accent bizarre, mais, surtout, l’histoire lui avait fait comprendre
pourquoi elle s’était prise d’affection pour Lanidar. Après son union, elle
sera apparentée à des gens très puissants et, si elle aime mon petit-fils, elle
pourra l’aider, spécula-t-elle. Cette femme est sans doute ce qui est arrivé de
mieux à ce garçon. Lanidar avait écouté, lui aussi. Peut-être pourrai-je
apprendre à chasser, pensait-il, même avec un seul bras. Peut-être pourrai-je
apprendre à faire autre chose que cueillir des fruits.
Ils approchaient d’une construction qui
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