Les refuges de pierre
Jondalar
observaient la scène, le lance-sagaie à la main, au cas où ils auraient dû se
protéger, mais le lynx avait égorgé l’herbivore, qui montrait des signes d’épuisement.
Il tituba. Le félin changea de prise, une autre gerbe de sang jaillit. Le cerf
fit encore quelques pas puis s’écroula. Le lynx fracassa le crâne du jeune
animal et se mit à dévorer sa cervelle.
— C’est l’odeur du lynx, pas la nôtre, qui rendait le grand
cerf nerveux, dit Ayla.
— Celui qu’il a tué était jeune, on voyait encore ses
taches blanches. Sa mère était peut-être morte, le laissant seul avant l’âge.
Il avait trouvé cette harde de mâles mais cela ne l’a pas sauvé. Les jeunes
sont toujours vulnérables.
— Quand j’étais petite fille, j’ai essayé un jour de tuer
un lynx avec ma fronde, se souvint Ayla.
— Avec une fronde ? Quel âge avais-tu ? Elle fit
appel à sa mémoire.
— Je crois que je devais compter huit ou neuf ans.
— Il aurait pu te tuer aussi facilement que ce cerf.
— Je sais. Il a bougé au dernier moment, la pierre n’a fait
que l’égratigner. Irrité, il s’est jeté sur moi. J’ai réussi à rouler sur le
côté, j’ai ramassé un morceau de bois et je l’ai frappé. Il a déguerpi.
Jondalar se renversa en arrière, ce qui fit ralentir Rapide.
— Tu l’as échappé belle, Ayla !
— Pendant quelque temps, j’ai eu peur de m’aventurer seule
loin de la Caverne, et c’est là que m’est venue l’idée de lancer deux pierres.
Je me suis dit que, si j’avais eu une autre pierre, j’aurais pu toucher le lynx
une seconde fois avant qu’il ne saute sur moi. Je n’étais pas sûre que ce soit
possible, mais je me suis entraînée et j’ai fini par y arriver. J’ai quand même
dû attendre d’avoir tué une hyène pour recouvrer assez de confiance en moi et
retourner chasser.
Jondalar secoua la tête. A la réflexion, c’était étonnant qu’elle
fût encore en vie. Sur le chemin du retour vers leur camp provisoire, ils
virent un troupeau de bêtes qui suscitèrent l’intérêt de Whinney et Rapide. Des
onagres, qui évoquaient un croisement entre un cheval et un âne, mais
constituaient une espèce distincte et viable. Whinney s’arrêta pour renifler
leur crottin, Rapide leur adressa un hennissement. Toute la troupe cessa de
brouter pour regarder les chevaux. Le cri par lequel les onagres répondirent
ressemblait davantage à un braiment, mais les animaux des deux espèces avaient
apparemment conscience de leur ressemblance.
Ils aperçurent aussi une antilope saïga femelle avec deux
petits, animal aux naseaux bombés et aux allures de chèvre qui préférait les
plaines ou les steppes, aussi nues fussent-elles, aux collines et aux montagnes.
Ayla se souvint que l’antilope saïga était le totem d’Iza. Le lendemain, ils
trouvèrent sur leur chemin un autre troupeau d’animaux qui préoccupaient Ayla
plus qu’elle ne voulait l’admettre : des chevaux. Whinney comme Rapide
étaient attirés par eux.
En les examinant, Ayla et Jondalar remarquèrent des différences
entre les bêtes du troupeau et celles qu’ils avaient amenées de l’Est. Au lieu
de la robe louvette de Whinney, la plus commune, ou du pelage brun profond de
Rapide, plus rare, la plupart des chevaux du troupeau étaient d’un gris
bleuâtre, avec le ventre blanc. Ils avaient tous – y compris les
deux leurs – des crinières et des queues noires, une bande noire sur
l’échine, l’extrémité des jambes noire, et un semblant de rayures sur la
croupe. C’étaient en général de petits chevaux, avec un dos large et un ventre
rond, mais ceux du troupeau semblaient légèrement plus hauts et avaient le
chanfrein un peu plus court.
La troupe regardait Whinney et Rapide avec autant d’intérêt que
les deux chevaux d’Ayla la considéraient et, cette fois, au hennissement de
Rapide répondit un cri de défi. Un puissant étalon se dirigea vers eux. D’un
accord tacite, Ayla et Jondalar lancèrent leurs montures dans une autre
direction. Jondalar ne tenait pas à ce que Rapide fût entraîné dans un combat
avec l’étalon et Ayla craignait que, comme Loup, les chevaux ne fussent tentés
de la quitter.
Dans les jours qui suivirent, Loup passa quelque temps avec eux,
ce qui donna à Ayla l’impression que sa famille était de nouveau réunie. Ils
effectuèrent un détour pour éviter un gros sanglier qui creusait la terre de
son groin, à la
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