Les refuges de pierre
recherche de truffes, rirent en voyant deux loutres batifoler
dans un bassin créé par le barrage d’un castor solitaire qui plongea dans l’eau
à leur approche. Ils découvrirent les traces d’un ours et une touffe de ses
poils prise dans l’écorce d’un arbre, mais pas l’animal lui-même ; ils
sentirent l’odeur de musc aisément reconnaissable d’un glouton. Ils
distinguèrent un léopard qui sautait d’une haute corniche en un bond gracieux,
et des bouquetins, ou chèvres des montagnes, qui gravissaient avec agilité la
paroi d’une falaise presque verticale.
Plusieurs femelles bouquetins et leurs petits, qui avec leur
laine serrée ressemblaient à des boules rondes montées sur des bâtons, étaient
descendues des hauteurs pour s’engraisser en dévorant l’herbe riche des
plaines. Elles avaient de longues cornes qui se recourbaient au-dessus de leur
dos, des yeux très écartés, une bosse derrière la tête, des sabots au bord dur
et raide avec un centre souple et spongieux qui adhérait à la roche.
Ayla ferma les yeux comme pour se concentrer, inclina la tête.
— Je crois que des mammouths se dirigent vers nous,
dit-elle.
— Comment le sais-tu ?
— Je les entends.
— Je n’entends rien.
— C’est un grondement très sourd, répondit-elle en tendant
de nouveau l’oreille. Regarde ! Là-bas ! s’écria-t-elle toute excitée
en voyant un troupeau au loin.
Ayla avait détecté le barrissement d’un mâle en rut, normalement
situé hors de portée auditive d’un être humain, mais qu’une femelle en chaleur
pouvait entendre jusqu’à huit kilomètres de distance, parce que des sons aussi
graves s’atténuaient moins vite avec l’éloignement. Ayla avait l’ouïe si fine
qu’elle les entendait ou plus exactement qu’elle les sentait.
Le troupeau se composait surtout de femelles et de leurs petits
L’une d’elles était en chaleur, plusieurs mâles rôdaient autour, pleins d’espoir,
malgré la présence du mâle dominant de la région, avec qui elle avait déjà
convolé. Elle avait refusé les avances insistantes des autres jusqu’à son
arrivée. Il les maintenait désormais à l’écart et, comme aucun d’eux n’osait le
défier, cela permettait à la jeune femelle de manger et de nourrir son premier
rejeton entre les accouplements.
Un pelage épais recouvrait les gigantesques animaux, de la queue
à l’extrémité de leur longue trompe, oreilles comprises. Quand ils furent plus
près, Ayla et Jondalar discernèrent mieux les diverses nuances de leur
fourrure. Les petits avaient un poil clair, celui des femelles variait du
châtain brillant des plus jeunes au marron foncé de la vieille matriarche. Les
mâles devenaient presque noirs en prenant de l’âge. Leur pelage se composait d’un
duvet très dense d’où poussaient de longs poils raides qui leur tenaient chaud même
au plus froid de l’hiver, quand ils buvaient de l’eau glacée ou mangeaient de
la neige.
— C’est tôt dans la saison pour les mammouths, observa
Jondalar. Nous ne les voyons pas avant la fin de l’automne, en général. Les
mammouths, les rhinocéros, les bœufs musqués et les rennes, voilà les animaux
de l’hiver.
Le dernier jour de leur isolement, Ayla et Jondalar se
levèrent tôt. Ils avaient passé les journées précédentes à explorer l’ouest de
la Rivière, près d’un autre cours d’eau au lit presque parallèle. Ils
emballèrent leurs affaires mais eurent envie de s’offrir une ultime longue
chevauchée avant de retourner à la Réunion d’Été, aux relations sociales qui
exigeaient d’eux du temps et de l’attention mais leur apportaient aussi
satisfaction et plaisir. Après avoir apprécié cette parenthèse, ils étaient
prêts à rentrer, impatients de retrouver ceux qu’ils aimaient. Ayant passé près
d’un an avec leurs animaux pour toute compagnie, ils connaissaient à la fois
les joies et les peines de la solitude.
Ils emportèrent de la nourriture et de l’eau, puis partirent d’un
pas tranquille, sans destination précise. Loup les avait quittés deux jours
plus tôt, ce qui attristait Ayla. Pendant leur Voyage, il avait manifesté un
vif désir de rester avec eux, mais il n’était alors qu’un louveteau. Bien que
cela leur parût beaucoup plus long, il ne s’était écoulé qu’une année et deux
saisons depuis l’hiver où ils avaient séjourné chez les Mamutoï, quand Ayla
avait ramené un bébé loup duveteux qui ne
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